a imputé une grosse sottise ! » Le cardinal avait paru tenir un langage menaçant, et Bismarck ripostait : « Si de ce langage Rome attend quelque profit, je vois avec regret combien on est loin, là-bas, de toute conception d’un modus vivendi qui soit acceptable pour nous. » Il accusait les prélats romains d’avoir une connaissance insuffisante de la situation prussienne, des espérances exagérées, des visées trop hautes ; et mettant très haut son amitié, il lançait comme une flèche, à la fin de sa lettre, cette menace d’adieu : « Si Rome ne trouve pas que le rétablissement des rapports diplomatiques soit digne de quelque prix, nous ne l’offrirons plus. » Le chancelier savait que le Pape aimait, en face du Quirinal, s’entourer d’une représentation diplomatique : cette dernière flèche visait Léon XIII.
La rupture était inévitable. Bismarck avait dit à satiété : Nous voulons procéder pari passu ; que Rome avance, et nous avancerons. — Je propose d’avancer, avait dit Léon XIII le 24 février ; mais vous, comment avancerez-vous ? — Avancez d’abord, répliquait Bismarck. — J’avancerai si vous avancez, reprenait Léon XIII. Et soudainement Bismarck, interrompant ce monotone et subtil dialogue, criait à son auguste interlocuteur : Je veux que le Centre m’obéisse ; donnez les ordres ! La réponse, le 30 avril, arriva de Vienne ; Reuss informait le chancelier que le Vatican refusait d’influer sur le Centre.
Alors, le 5 mai, le prince de Hohenlohe, venu pour quelque temps à Berlin comme secrétaire d’Etat, expédiait à Reuss un long Mémoire contre cette fraction, coupable, dans la monarchique Allemagne, de marcher avec les socialistes, avec les démocrates progressistes. « Bismarck, écrivait Hohenlohe, a une impression accablante de la stérilité des pourparlers. Son espoir dans une heureuse issue des négociations a disparu, par la faute du Centre. » La dépêche de Hohenlohe était volontairement brutale : lorsque bientôt elle fut publiée, les membres du Centre la jugèrent scandaleuse, et, quatorze ans plus tard, quand Hohenlohe fut chancelier, ils avaient peine, encore, à la pardonner.
Mais la Prusse catholique continuait de souffrir, par le fait des lois de Mai, d’une souffrance que la prolongation même aggravait ; et quelque adroite que fût la dialectique bismarckienne, la Prusse s’en prenait de ses souffrances, non pas au Centre qui combattait les lois, mais à Bismarck qui les avait faites, à Bismarck qui les maniait. Le chancelier le sentit : au