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avec elle il a la prétention de faire la réforme qu’elle repousse de toutes les forces de son instinct et c’est un problème presque aussi difficile à résoudre que celui de la quadrature du cercle. A parler franchement, pour faire la réforme il aurait fallu un ministère qui ne se serait pas assigné une autre tâche et qui aurait été, non seulement résigné, mais décidé à disparaître après l’avoir accomplie. Ce ministère, de courte durée peut-être, aurait rendu un grand service au pays dont la reconnaissance l’aurait accompagné dans sa retraite. Mais le ministère Poincaré ne pouvait pas être celui-là, puisque les hommes distingués qui le composent sont profondément divisés sur la réforme électorale. Ce n’est pas en vue de cette question qu’ils se sont unis : ils ont obéi à une préoccupation patriotique qui était très pressante au moment où ils ont accepté le pouvoir et qui l’est encore. Ils ont fait acte de bons citoyens, et il faut leur en savoir gré. Leur mauvaise fortune a voulu qu’ils aient dû mettre la réforme électorale dans leur programme, car la question était déjà à l’ordre du jour de la Chambre et on ne pouvait pas l’en éliminer ; mais ils ne peuvent pas non plus la résoudre, ou du moins la bien résoudre, et c’est la grande difficulté de l’heure présente. Il n’est d’ailleurs pas douteux que si la réforme n’est pas faite avant les élections prochaines, elle pèsera lourdement sur elles et les radicaux eux-mêmes le sentent si bien qu’ils sont les premiers à vouloir faire quelque chose qui y ressemble : mais le pays prendra-t-il l’apparence pour la réalité ?

Que faire donc ? Si une transaction est encore possible, il faut s’y rallier. Le malheur est que le langage de M. le président du Conseil devant la Commission a donné une telle confiance aux radicaux-socialistes qu’ils se considèrent désormais comme les maîtres de la situation, et, quand ils se croient les maîtres, ils ont l’habitude d’en abuser. Les partisans de la réforme sont cependant allés très loin dans la voie des concessions, et peu s’en faut qu’ils n’aient fait toutes celles qu’ils pouvaient faire. Ils ont pourtant annoncé qu’ils accepteraient encore toutes celles qui ne porteraient pas atteinte aux principes fondamentaux de la réforme, à savoir le scrutin de liste et la représentation sincère et loyale des minorités. Si les radicaux-socialistes veulent davantage et si le gouvernement, ne voulant pas se séparer d’eux, confond sa cause avec la leur et déclare que la seule réforme acceptable pour lui est celle qu’ils auront eux-mêmes acceptée, tout deviendra incertain. Le gouvernement ne s’est-il pas désarmé vis-à-vis d’eux, puisqu’il a déclaré d’avance qu’il ne ferait rien qu’avec eux ? Nous avions voulu espérer qu’il aurait assez d’autorité pour