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du Conseil. Qu’avait donc dit M. Poincaré ? Il avait dit, montrait une certaine indifférence à l’égard de tous les systèmes qu’on lui présentait, que le meilleur à ses yeux serait celui qui conviendrait à la majorité républicaine, avec laquelle il était, coûte que coûte, résolu à faire la réforme. Nous négligeons ses autres propos : peut-être n’avaient-ils pas un lien étroit avec la question et ont-ils exprimé seulement l’état d’âme où il était à ce moment. Le point important, le seul qui mérite d’être relevé et retenu, est que M. le président du Conseil, dans la question de la réforme électorale comme dans toute autre, entend ne pas se séparer de la majorité républicaine, en d’autres termes du groupe radical-socialiste. Le malheur est que ce groupe ne voulant à aucun prix de la réforme électorale, ne la vouloir qu’avec lui, c’est y renoncer. Il accepterait sans doute de la faire en la dénaturant, en la falsifiant, en la rendant méconnaissable et inopérante ; mais ses partisans sérieux, paraphrasant un mot célèbre, inclinent à dire : Qu’elle soit ce qu’elle est, ou qu’elle ne soit pas. Ils aiment mieux porter à nouveau la question intacte devant le pays aux élections prochaines, que de lui en donner la contrefaçon, ou même la caricature, en l’invitant à y reconnaître l’expression de sa volonté.

Certes, la situation de M. Poincaré est difficile et ses perplexités se comprennent. Ayant fait un ministère qui a suscité de grandes espérances et a reçu, en France et à l’étranger, un accueil dont aucun autre n’avait bénéficié depuis longtemps, il veut le faire vivre et a besoin, pour cela, d’une majorité qui, elle-même, soit viable, en un mot d’une majorité de gouvernement. Celle qui s’est formée autour du scrutin de liste avec représentation proportionnelle a-t-elle ce caractère ? Non. C’est une majorité infiniment hétérogène et disparate, allant de l’extrême-droite à l’extrême-gauche : elle peut s’appliquer à un cas donné, suffire à une circonstance provisoire, atteindre un but particulier, mais elle est destinée à se débander le lendemain et ne peut servir ni de pivot, ni d’instrument à un gouvernement qui aspire effectivement à gouverner : et c’est à quoi M. Poincaré aspire. De là son embarras en présence de la représentation proportionnelle. Il y a, à la Chambre, une majorité qui peut faire la réforme, mais qui ne peut pas faire autre chose et est condamnée à mourir de sa victoire, et il y en a une seconde qui ne veut pas de la réforme, mais qui est homogène et durable. Entre les deux il faut choisir. M. Poincaré a choisi la seconde, ce qui est naturel de sa part et de celle de ses collègues, car cette majorité est la leur ; mais