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protéger les patrons contre les abus et, en particulier, pour prévenir une diminution de production qui, à la longue, serait ruineuse pour les intéressés. » En conséquence le gouvernement a approuvé un minimum de salaires et conseillé aux patrons de l’accepter, mais il a ajouté que ce minimum, variable suivant les districts, devait être entouré de garanties indispensables pour prévenir les abus qui risquaient d’en résulter. On a vu déjà que, sur le premier point, la différence des salaires suivant les districts, les ouvriers ne faisaient pas de difficultés ; ils n’en ont pas fait non plus sur l’autre, sentant bien qu’un minimum de salaires devait assurer un minimum de rendement. Jusqu’ici tout allait bien, mais la pierre d’achoppement était proche : quel serait le taux des salaires ? M. Asquith s’est servi, pour le définir, d’un mot un peu vague, que les Anglais aiment à employer : il a dit que ce taux devait être « raisonnable. » Malheureusement chacun l’entend à sa manière. Pour les ouvriers, le taux raisonnable est celui que leur Fédération a fixé. M. Asquith, quelle que fût sa bonne volonté, sa condescendance même envers eux, n’a pas cru pouvoir accepter de leur part une pareille exigence. Il s’agissait d’un contrat entre patrons et ouvriers : en pareil matière, il est inadmissible qu’une seule des parties soit entendue et impose sa volonté à l’autre. C’est ce que M. Asquith s’est efforcé de faire comprendre aux mineurs, mais il n’y a pas réussi. Les mineurs ont tenu bon : ils avaient fixé l’échelle des salaires, ils ont déclaré qu’ils n’en démordraient pas. Là-dessus on a rompu, et la grève a éclaté.

Les ouvriers, obéissant à un mot d’ordre, agissent tous comme un seul homme : la même unanimité ne s’est pas maintenue parmi les patrons au sujet du minimum de salaires. Ils ont tous pourtant le même intérêt. Les circonstances économiques ne sont pas les mêmes d’une année et quelquefois d’un mois à un autre ; elles sont mobiles » elles changent ; dès lors, le taux des salaires doit changer aussi ; il est l’objet d’un contrat à débattre librement entre patrons et ouvriers ; il n’y a pas lieu de le fixer ne varietur une fois pour toutes. Ces raisons sont assurément très fortes et il est à croire qu’elles auraient prévalu à une autre époque ; mais on n’en est plus aujourd’hui à respecter les vieux principes de la saine économie politique et sociale et M. Asquith estime, comme Philinte, qu’il faut fléchir au temps sans obstination. Il a trouvé, toutefois, chez certains patrons, plus obstiné que lui : si 65 pour 100 ont accepté le principe du minimum de salaires, 35 pour 100 l’ont repoussé. Ces derniers