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dans la doctrine catholique tout au moins, la vérité et la justice sont ici du côté d’Escobar, — pour ne point parler du bon sens.

Et aussi bien Pascal lui-même a-t-il fini, selon toute vraisemblance, par apercevoir son erreur sur ce point. On sait avec quelle précision éloquente son confesseur, le P. Beurrier, dans ses Mémoires inédits heureusement découverts par M. Jovy, a résumé les confidences suprêmes que lui a faites l’illustre mourant[1]. « Il me dit qu’il s’était retiré prudemment des disputes entre théologiens, vu la grande difficulté de ces questions de la grâce et de la prédestination, et ainsi qu’il se tenait désormais au sentiment de l’Église touchant ces grandes questions, et voulait avoir une parfaite soumission au vicaire de Jésus-Christ, qui est le souverain pontife. Il ajouta que, pour ce qui est de la morale nouvelle et relâchée, elle n’était point conforme à l’Évangile, aux canons des conciles, ni aux sentimens des Pères de l’Église, et qu’il la fallait assurément condamner. » Tout au plus aurait-on encore souhaité que Pascal, — dans cet instant suprême où il s’était humblement soumis « au sentiment de l’Église » touchant le point fondamental de son ancienne querelle contre le P. Escobar, — eût pu apprendre à quel point l’excellent jésuite de Valladolid avait eu peu conscience de défendre une morale « nouvelle et relâchée » en se bornant à reproduire, — même parfois et avec de timides, mais expresses réserves, — des opinions d’auteurs qu’il croyait ingénument les plus fidèles et authentiques interprètes, ici-bas, de la pure « morale de Jésus-Christ. »


T. DE WYZEWA.

  1. Je crois savoir que M. Strowski, dans une réédition prochaine du troisième et dernier volume de son livre Pascal et son temps, achèvera de mettre en lumière la bonne foi absolue du P. Beurrier, tout en limitant plus exactement la réelle portée historique de son témoignage. Le curé de Sainte-Geneviève a rétracté, il est vrai, le passage de sa lettre à l’archevêque de Paris ou il avait affirmé que Pascal avait rompu avec ses amis de Port-Royal parce qu’il les trouvait trop hardis sur la question de l’obéissance au Pape : et, en effet, c’était alors Pascal lui-même qui s’était montré trop hardi. Mais que le mourant, ensuite, ait parlé à celui-ci de ses opinions présentes de la façon que ce vénérable religieux nous l’a rapporté à plusieurs reprises, c’est de quoi il ne nous sera bientôt plus permis de douter.