Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 8.djvu/47

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Lautrem !… Marcel !

Pas de réponse ; mais de nouveau, son rire déchirant : un rire de frénésie !

Parvenu à la Villa, il en traversa le jardin, gravit le perron, ouvrit la porte, la referma… Dieu merci ! il était rentré !…

Mais soudain, dans le silence de la maison endormie, doux et plaintifs passèrent les sons d’un piano. Des accords ; un prélude ; … une romance bien connue : … l’Adieu de Schubert ! Pourtant, aucune fenêtre ne s’était éclairée ; toutes les persiennes demeuraient obscures… Ah çà ! Lautrem voyait-il à travers les ténèbres ?

Adieu, jusqu’à l’aurore
Du jour en qui j’ai foi…

Et sous les doigts de Marcel, vibrante à présent, coupée d’arpèges, de trilles, de modulations, de dissonances bizarres, la mélodie continuait de gémir :

… Du jour qui doit encore
Me réunir à toi.

Le malheureux !

Cette nuit-là, les pensionnaires de Mme veuve Ravel durent maudire la musique et les musiciens.


X. — DISPARU

Vingt-quatre heures après cette aventure, le Phare de Montboron, — directeur, rédacteur en chef, reporter artistique, Numa Heurtebise, — publiait l’entrefilet suivant :

« Amusante nouvelle, nouvelle amoureuse ! Une étoile du chant vient de se transformer en comète. Mlle Diva a filé vers les cieux d’Occident, attirée par un soleil à rayons d’or, et de première grosseur.

« Mlle Esther Mos… et M. Robert Dav… ont pris, la nuit dernière, le train de Gênes qui passe à Monte-Carlo à 2 heures 35 du matin. Nous sommes, comme toujours, très renseignés : en voici la preuve.

« Dans la salle d’attente, Mister Bob, moins farouche que Lazare, chiffonnait quelque peu Leucosie, et Leucosie le reluquait