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A-t-elle aussi les cheveux dorés, les yeux de flammes, la mystérieuse pâleur de...

Il ramassa la lettre qu’il avait déchirée, et la regardant :

— L’Adieu de Schubert !... Paroles ineptes, larmoyante mélopée, musique enfantine ! Comment ai-je pu trouver plaisir à écouter de telles platitudes ?... de retour à Paris, je brûlerai la pleurnicheuse romance... Ah ! ah ! ah !... Quel flon flon pour grisettes, cet Adieu de Schubert !

Et ses mains convulsées froissaient, tordaient, déchiraient encore la lettre de Diva ; toutefois, il en glissa les débris dans sa poche... Deux heures du matin sonnèrent ; je me levai :

— Je vous quitte, et retourne à mon auberge... Allez donc vous reposer, Marcel.

— Pourquoi ?... Je n’ai pas sommeil... La nuit est chaude ; les tiédeurs de sa brise me calment les nerfs : je resterai dans ce jardin jusqu’au lever du jour.

— Vous grelottez la fièvre.

— Moi ?... Je tremble, mais de froid.

— Et vous me parlez des tiédeurs de la brise !

— Permettez-moi de vous accompagner jusqu’à la porte de votre hôtel.

Il me prit le bras ; nous sortîmes.


IX. — L’ « ADIEU » DE SCHUBERT

Le chemin que nous suivions, pente assez rapide, longeait la voie ferrée, et sous les blancheurs qu’épandait la lune on distinguait nettement la courbe dominante du remblai.

Inclinant la tête, las, morne, comme hébété, Marcellus gardait, maintenant, un silence farouche. De violens frissons secouaient sa haute taille ; parfois, mal réprimé, un sanglot lui soulevait la poitrine ; ses pieds devenus de plomb se traînaient avec lourdeur : c’était bien la crise qu’avait annoncée Mosselman. Toutefois, si navrant qu’il fût, ce trop gros chagrin me paraissait ridicule. Passe encore de souffrir quand l’objet regretté mérite un regret : l’Institut, par exemple, le ruban rouge, voire une première médaille au Salon ! Mais se martyriser pour une banale histoire de femme, quelle ingénuité de jouvenceau ou quel gâtisme de vieillard !...

Aussi, tout en marchant à côté de ce taciturne, je songeais