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le Père Guarini, pour la première fois, les réalise scientifiquement.

Guarini proscrit la monotonie de la voûte en berceau, il s’éloigne des formes classiques et revient aux voûtes fragmentées des maîtres gothiques, et poussant parfois plus loin qu’eux les principes de leur art, il supprime les remplissages des voûtes, ne laissant subsister que les nervures, à travers lesquelles on aperçoit d’autres voûtes plus hautes et parfois encore ajourées. Ces ouvertures des voûtes sur le ciel que ses contemporains cherchent avec tant de passion, mais par des procédés fictifs, — le Bernin et Pierre de Cortone par des dispositions de nuages et de figures plafonnantes, le Père Pozzo par ses architectures simulées, — lui seul, Guarini, en donne la sensation par son architecture légère comme une dentelle.

Le Père Guarini a eu une vogue extraordinaire. Appelé dans toute l’Europe, il a travaillé à Prague, à Lisbonne, à Messine et à Paris. Ses chefs-d’œuvre sont à Turin, la chapelle du Saint-Suaire à la cathédrale et surtout son S. Lorenzo, chapelle du château royal. Dans sa Storia dell’ architettura in Italia, le marquis Ricci, quoique peu sympathique à l’art de cet âge, a dit justement que, pour tous ceux qui jugent droitement et sans esprit de parti, cette chapelle de S. Lorenzo n’a pas de rivale au monde pour l’originalité de sa conception et son inimitable science statique.

Avec Guarini l’architecture italienne du XVIIe siècle a dit son dernier mot. Nous verrons plus tard comment et pour quelles raisons cet art prit fin vers le milieu du XVIIIe siècle pour céder la place à l’école néo-classique.


MARCEL REYMOND.