seul de si grands avantages économiques attachés à si peu de charges dans la vie civile. Mais on a réduit, on va réduire encore le service obligatoire à la marine ; et nonobstant on ne cesse d’accroître les faveurs dont jouissent les marins. Les pensions viennent d’être relevées en 1908. L’année précédente, un règlement sur le travail à bord des navires marchands avait institué le repos hebdomadaire, limité la journée de travail, tarifé les heures supplémentaires, renforcé les précautions d’hygiène et de sécurité, etc. Les inscrits devraient s’estimer trop heureux et se taire : ils se plaignent, réclament furieusement, menacent même et font appel à la violence. Pourquoi cela ?
En réalité, les entraves ou si l’on veut les lisières dans lesquelles on les a maintenus peuvent ne pas peser lourd, elles sont gênantes, et la comparaison avec l’entière liberté des ouvriers de l’intérieur les rend insupportables. Elles diminuent le marin ; elles l’empêchent de s’élever librement. A cet égard, les pensions elles-mêmes ont un mauvais effet. Dans la sécurité d’une retraite abondante et acquise automatiquement, l’homme s’engourdit ; il perd les qualités, les ambitions qui eussent amélioré son sort. On peut se demander si le régime actuel favorise assez la formation spontanée, par le rang, d’un état-major des professions maritimes, s’il encourage la petite entreprise, s’il ne décourage pas la grande, qui offrirait des places et des carrières aux navigateurs. Nos populations maritimes, immobilisées au milieu du mouvement général, souffrent d’un malaise qu’elles n’analysent pas, mais qui se traduit par de la mauvaise humeur.
Par surcroît, la providence étatiste qui, paternellement, les tient en tutelle, en fait de grands enfans, irréfléchis parce qu’imprévoyans, mobiles et violens parce qu’irréfléchis. Dans leur vie on a presque tout réglé pour eux : ils représentent au moral les produits d’un socialisme ; et nous les voyons, moutonniers, servir de proie aux meneurs. On leur impose la grève. Ils sont dupés, exploités, terrorisés plus facilement que d’autres. Et ils plient et commencent à gémir sous la tyrannie des chevaliers de désordre.