professions libérales, à l’égard de la haute littérature et du grand art, une démocratie socialiste gouvernée par la classe ouvrière ou paysanne, c’est ce qu’il est difficile de savoir, mais ce qui n’est pas sans inspirer des inquiétudes. Il est à craindre que poètes et métaphysiciens ne soient un jour bannis, même sans être couronnés de fleurs, de telle ou telle république collectiviste. D’autre part, si l’on veut un exemple du peu de cas que font les foules de l’intérêt général, actuel et surtout à venir, quand des intérêts personnels et immédiats sont en jeu, qu’on se souvienne des récens troubles du Midi à propos des vins et des troubles de la Champagne à propos de la « délimitation. » Devant certaines considérations pécuniaires, l’idée même de la patrie semble prête à s’obscurcir et à sombrer dans certains cerveaux ; que serait-ce de l’idée, plus lointaine et plus vague, d’humanité ? La religion humanitaire aurait peu de prises sur les vignerons du Nord ou du Midi.
Les idées syndicalistes et les idées coopératives aboutissent à des sentimens plus désintéressés en vue du groupe ; mais ce n’est encore qu’un groupe, dont les intérêts particuliers sont érigés en chose sacrée, intangible, objet d’un dévouement absolu. Et ces intérêts, au fond, se résolvent en intérêts individuels, auxquels on sacrifie théoriquement et pratiquement l’intérêt de la nation, à plus forte raison celui de l’Humanité.
Ajoutons que la forme du socialisme qui est aujourd’hui la plus en honneur est le marxisme, qui constitue presque toute la morale et toute la religion d’un nombre considérable de travailleurs. Or, les trois grands principes de cette morale, les trois dogmes de cette religion sont, en premier lieu, le matérialisme économique ; en second lieu, comme conséquence, la lutte de classe ; en troisième lieu, comme conclusion dernière, la théorie des crises et de la « catastrophe » finale. Le dogme du matérialisme économique aboutit à soutenir que ce sont les intérêts matériels qui dominent tout le mouvement social. Mais les intérêts matériels, loin de rapprocher les hommes dans l’idée et l’amour de l’humanité, sont le principal facteur des divisions, haines et guerres : intérêt matériel et égoïsme sont inséparables. Aussi le second dogme de la religion marxiste est-il la lutte des classes, dogme de haine et de guerre sociale, qui fait bon marché des considérations humanitaires. Nous sommes ainsi amenés par le marxisme à ne voir dans le mouvement économique et