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s’incliner devant la majorité. Une colonie donnée pourra être obligée d’adopter un système de défense militaire navale ou un régime douanier qu’elle désapprouve et voir ainsi troublés sa vie économique aussi bien que son système financier. En un mot, elle pourra se voir imposer, par une autorité du dehors, des mesures qu’elle juge nuisibles et qui auront une répercussion profonde sur sa vie intérieure. Qu’on le croie bon ou mauvais, voilà la conséquence nécessaire de toute fédération.


III

C’est de cela, précisément, que ne veulent à aucun prix les hommes politiques de l’autre école, ceux qui se disent aussi impérialistes, — au moins pour la plupart, — mais sont avant tout soucieux de préserver d’aucune atteinte l’autonomie locale, condition nécessaire, à leurs yeux, de l’existence même de l’Empire. Aussi ne veut-on pas de ce côté entendre parler de fédération, ou du moins ne consent-on pas à envisager de pareils projets comme « entrés dans la sphère de la politique pratique, » selon l’expression habituelle aux Anglais. A peine a-t-il entendu l’exposé de sir. Joseph Ward, à la séance de la conférence du 25 mai, que M. Asquith lui oppose la fin de non-recevoir la plus nette.


A quoi aboutirait en pratique, dit le premier ministre, le projet de sir Joseph ? Il affaiblirait, s’il ne la détruisait complètement, l’autorité du gouvernement du Royaume-Uni sur des questions aussi graves que la politique étrangère. la conclusion des traités, le maintien de la paix ou la déclaration de la guerre. La responsabilité du gouvernement impérial devant le Parlement britannique, en pareilles matières, ne peut être partagée. La coexistence du gouvernement du Royaume-Uni et du corps fédéral proposé aurait des conséquences fatales pour le système actuel de responsabilité. Le nouvel organe aurait d’ailleurs le droit d’imposer aux Dominions une politique que l’un ou plusieurs d’entre eux pourraient désapprouver, et qui, en bien des cas, entraînerait des dépenses ; à ces dépenses il faudrait subvenir par l’imposition de taxes sur le peuple même des Dominions qui seraient hostiles à cette politique. Le gouvernement britannique ne saurait accepter un projet en opposition si complète avec les principes fondamentaux, sur lesquels l’Empire a été établi et, grâce auxquels il s’est maintenu.


Non moins énergique que l’opposition du premier ministre d’Angleterre est celle des autres Premiers coloniaux :