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d’opérations utiles et honorables, mais ils n’auront ni à les provoquer, ni à en prendre la responsabilité ; et je trouve, je l’avoue, de sérieux avantages à ce qu’on n’impose pas aux deux gouvernemens, dans ces questions délicates, un rôle trop agissant. »

Réserve fort sage, en effet : la preuve en est dans l’impuissance que les deux gouvernemens ont éprouvée, lorsque, en vertu de l’Arrangement de 1909, ils ont vainement cherché à concilier les prétentions de leurs nationaux engagés dans des affaires communes. À cette première impuissance s’en est ajoutée une autre. Le gouvernement allemand reconnaissait une fois de plus dans l’Arrangement que les intérêts politiques particuliers de la France sont étroitement liés au Maroc à la consolidation de l’ordre et de la paix intérieure et il se déclarait « décidé à ne pas entraver ces intérêts. » Il semble que cela nous donnait une grande liberté d’action : qu’en avons-nous fait ? C’était notre devoir et notre droit de donner au Sultan, soit au point de vue financier, soit au point de vue militaire, les moyens de pourvoir au maintien de l’ordre au moins dans la petite partie du Maroc sur laquelle s’étend son autorité, au moins à Fez ; mais nos divers départemens ministériels n’ont pas su ou voulu s’entendre sur l’effort à faire, et, en réalité, rien n’a été fait. Le Sultan, abandonné à lui-même, a failli sombrer dans l’anarchie : notre excuse d’être allés à Fez est qu’il était sur le point d’être victime, et que les Européens l’auraient été avec lui, de l’inertie dans laquelle nous étions restés jusque-là. On peut dire de l’Arrangement de 1909 que, soit par sa propre insuffisance, soit par la faute des hommes qui ont été chargés de l’appliquer, il a fait faillite.

Souhaitons qu’il n’en soit pas de même du traité du 4 novembre dernier qui autorise notre protectorat sur le Maroc en nous laissant le soin de l’organiser. Cette fois, en effet, c’est bien de protectorat qu’il s’agit : si le mot n’est pas dans le traité, la chose y est, et le mot lui-même a été mis d’ailleurs dans les lettres interprétatives. On a contesté la réalité de notre protectorat ; on a fait remarquer que notre liberté d’action était amoindrie par les étroites limites que lui imposait la survivance d’obligations internationales antérieures qui continuent à peser sur le Maroc, et dont la principale est l’égalité économique. Sur ce dernier point, M. Méline a dit ce qu’il y avait à dire et il l’a fait avec autant de modération dans la forme que de compétence et d’autorité dans le fond. Tout cela est vrai, mais quelle conclusion faut-il en tirer, sinon que l’œuvre de notre diplomatie n’est pas terminée, pas plus qu’elle ne l’était en Tunisie après la signature du