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prétentions premières qu’elle avait émises sur la presque totalité du Congo ? Lorsque M. Ribot a dit que le traité était plus facile à attaquer qu’à défendre, il n’a pas entendu par là qu’il prêtait le flanc à plus d’objections qu’il ne nous apportait d’avantages, mais seulement qu’en toutes choses, il est plus aisé de critiquer que d’agir. Ce traité si décrié, M. Poincaré a montré qu’on pouvait fort bien plaider en sa faveur beaucoup plus que les circonstances atténuantes. Pour en montrer les mérites, il lui a suffi de le comparer à ceux qui l’ont précédé, c’est-à-dire à l’Acte d’Algésiras et à l’Arrangement de 1909 : Sa supériorité sur l’Acte d’Algésiras est si évidente que personne ne la conteste, mais l’Arrangement de 1909 a conservé des partisans qui lui donnent la préférence sur le traité. Parmi eux est M. Pichon : quoi de plus naturel ? il est l’auteur de l’Arrangement. Nous comprenons d’ailleurs très bien le point de vue auquel il se place, nous qui n’étions point pour l’établissement immédiat de notre protectorat et qui l’aurions volontiers ajourné à une époque plus ou moins lointaine ; mais, cette question mise à part, l’arrangement de 1909 nous imposait des obligations qui n’ont pas tardé à se présenter à nous sous la forme de véritables impossibilités, et c’est ce que M. Poincaré a montré avec une parfaite clarté. Les deux gouvernemens y déclaraient qu’ils chercheraient à associer leurs nationaux dans les affaires dont ceux-ci obtiendraient l’entreprise. Ils ont fait de leur mieux pour tenir leur promesse et on les a vus soutenir officiellement un certain nombre d’affaires privées en établissant, entre leurs nationaux respectifs qui y participaient, des combinaisons et des proportions dont le règlement, comme l’a fort bien dit M. Ribot, aurait été plus à sa place dans une étude de notaire que dans le Cabinet du ministre des Affaires étrangères. Quelque loyaux qu’ils aient été, les efforts des deux gouvernemens ont échoué, et on s’est aperçu du danger qu’il y avait à donner à des affaires privées le caractère d’affaires publiques. Le traité du 4 novembre a été plus circonspect ; il a même poussé la prudence jusqu’à ne rien dire de la question : c’est seulement dans les lettres interprétatives échangées entre M. de Kiderlen et M. Jules Cambon que les deux gouvernemens ont déclaré qu’ils seraient « toujours heureux de voir des associations d’intérêts se produire entre leurs ressortissans. » La différence des deux textes est sensible, M. Poincaré n’a pas eu de peine à la mettre en vue. « On ne demandera donc plus aux deux gouvernemens, a-t-il dit, une intervention directe et active dans la préparation des consortiums industriels et financiers. Ils devront les voir avec faveur lorsqu’il s’agira