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faire sourire. » Contentons-nous d’enregistrer cet arrêt avec humilité Aussi bien, Schumann a dit ailleurs : « La critique musicale a tellement baissé, du fait de la presse quotidienne, qu’on n’est plus guère habitué à entendre la vérité. » Et ce second jugement, pour ceux au moins d’entre nous qui n’écrivent pas tous les jours, garde encore un semblant de douceur.

En ce recueil de lettres, il en est peu d’indifférentes, et les dernières, celles d’après la catastrophe, sont tragiques. Plus tôt même, neuf ans plus tôt, quelle atroce ironie est cachée dans ces simples mots adressés par Schumann à Mendelssohn : « Avant tout, nous serons heureux de voir le Rhin, le beau, le cher Rhin. » On sait que la folie un jour l’y précipita (février 1851). Mais le fleuve ne devait pas être sa tombe. Pendant les sept mois qui suivirent, dans la maison de santé d’Endenich où on l’avait conduit, le corps seul de Schumann parut vivre. Puis son aine, un moment, se réveilla. Le 12 septembre, jour anniversaire de son mariage, il se souvint, et manifesta le désir de recevoir une lettre de sa femme. L’ayant reçue aussitôt, il y répondit. Rien de navrant comme ces derniers billets, si tendres, si tristes, et comme voilés, suprêmes lueurs d’un grand génie et d’un immense amour.


Du 14 septembre 1854.

« Que je suis heureux, Clara bien-aimée, de reconnaître ton écriture ! Sois remerciée de m’avoir écrit précisément à cette date et de penser encore à moi, ainsi que les chers enfans, avec la tendresse d’autrefois. Embrasse les petits. Oh ! si je pouvais vous voir, vous parler encore une fois ! Mais la route est trop longue… J’ai tant de questions, tant de prières ! Ah ! si je pouvais seulement causer une fois avec toi !… »


Cependant, au mois de juin, un fils lui était né. Mme Schumann l’en informe, il s’en réjouit, et toujours fidèle au souvenir de son ami le plus aimé, de Mendelssohn, il ajoute : « Si tu veux savoir le nom que je préfère pour notre enfant, tu peux facilement le deviner : c’est celui de l’inoubliable. » (18 septembre 1854.)


Du 12 octobre 1854.

« Je pense aux poésies que tu m’as inspirées, chère Clara, et au jour du mois d’août où… Le jour suivant, je t’envoyai ma bague de