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M. Chamberlain aurait voulu qu’on se mit à l’œuvre sans désemparer en commençant par ce qui doit intéresser le plus ses pratiques compatriotes, par l’union commerciale. Il en donnait la formule générale, mais pourtant précise : établissement du libre-échange ou d’un régime très voisin dans l’intérieur de l’Empire, chacune de ses parties composantes restant libre de traiter comme elle l’entendrait les marchandises étrangères ; toutefois, afin d’offrir aux colonies des avantages corrélatifs à ceux qu’elle en obtiendrait, la métropole s’engagerait à frapper de droits modérés les principaux produits étrangers similaires des leurs, notamment les grains, les viandes, la laine, le sucre. Ainsi la Grande-Bretagne sacrifierait le libre-échange sur l’autel de l’impérialisme.

Ce plan, qui parut singulièrement audacieux quand il fut exposé, n’a pas varié depuis. Suivant les circonstances, ses adeptes ont mis plus ou moins en lumière telle ou telle de ses parties. Mais, à chaque conférence coloniale, les impérialistes ont tenté de s’en rapprocher et, dans l’intervalle des conférences, une propagande active a été faite autour de lui, dans la mère patrie comme dans ses dépendances. Le parti conservateur anglais, de plus en plus imprégné de protectionnisme, en est grand partisan. Dans un discours prononcé le jour même de l’ouverture de la conférence impériale à l’Albert Hall de Londres, M. Balfour affirmait que l’institution de tarifs de faveur réciproques, entre la Grande-Bretagne et ses colonies, était la condition sine qua non de la durée de l’Empire. Lors de la clôture de la conférence, le 20 juin dernier, lord Rosebery, présidant un banquet de 500 couverts donné en l’honneur des membres des parlemens coloniaux venus à Londres pour le couronnement, indiquait de son côté le but suprême, la constitution d’un parlement fédéral.


Aucun parlement au monde, dit l’ancien premier ministre, n’est arrivé à sa forme définitive. Ne pouvons-nous le dire ici avec plus de force qu’en aucun autre pays ? Ne voyons-nous pas dans la Conférence impériale qui siège actuellement au milieu de nous le germe d’une assemblée plus puissante, qui représentera les aspirations impériales de toutes les parties de notre communauté, qui représentera un Empire uni dans une forme permanente et définie, et qui sera le Parlement le plus auguste que le monde ait jamais vu ? Ne voyons-nous pas dans le banquet d’aujourd’hui, où, pour la première fois, les représentans élus des divers parlemens se trouvent autour de nous, les germes de cette assemblée permanente où,