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crise, on peut aller très loin. L’assaut contre Mérital est commencé ; mais cet homme est très méchant : il va se défendre. Nous qui voyons la carrure du lutteur, nous ne sommes pas très inquiets sur l’issue de la lutte… Désormais, nous sommes en plein drame. Ce premier acte nous y a menés par la voie la plus directe. Il est d’une clarté et d’une netteté tout à fait remarquables, sans une défaillance, sans un trou. Et les deux scènes essentielles qui le composent sont du métier le plus savant.

Lorsque la toile se relève, c’est le jour du procès que Mérital a dû intenter au maître chanteur Marc Lebel. Les choses semblent prendre une mauvaise tournure. L’accusation a été, en sous-main, encouragée par le gouvernement. A Tours, où se plaide le procès, la population est hostile au député ; elle manifeste sous ses fenêtres ; il faut faire charger la cavalerie : cela marque toujours assez mal. L’inquiétude gagne les enfans eux-mêmes de Mérital ; et l’attitude singulière de leur père n’est pas pour les rassurer. Il s’enferme dans un sombre mutisme. Ils n’osent le questionner sur certaines coïncidences qui, bien sûr, ne les font point douter de son honorabilité, mais qui pourraient influer sur la décision des juges. Bref, pour changer la face des choses, il faut un coup de théâtre. M. Bernstein nous le fait désirer, espérer, et nous avons d’ailleurs pleine confiance qu’il nous le servira à point nommé.

C’est ici une des scènes principales de l’ouvrage et dont le succès, escompté par l’auteur, a été le plus vif. Mérital n’a pas eu besoin de beaucoup de perspicacité pour comprendre que le papelard Frépeau a lui seul imaginé et combiné l’affaire. C’est donc lui qu’il faut atteindre pour détruire toute la machination. Il l’a fait venir à cet effet, et non sans peine, car un tel adversaire, dans un tel moment, a tout intérêt à se dérober. Le temps presse ; donc il va droit au but et lui tient à peu près ce discours. « C’est vous, Frépeau, qui avez soudoyé Marc Lebel : vous allez maintenant donner à votre homme de paille des instructions contraires, lui intimer l’ordre d’abandonner l’accusation et de s’effondrer en justice. Si vous hésitez, je vous lancerai dans les jambes l’affaire du canal de Corinthe, sur laquelle je suis pleinement renseigné et formidablement armé. » En effet, tous les Corinthiens ont été démasqués, sauf un. Or, ce fameux et mystérieux X, qui a touché le joli chèque de cinq cent mille francs, n’est autre que Frépeau, comme il appert des papiers que Mérital a réussi à se procurer. Que le drôle se le tienne pour dit et qu’il s’exécute, s’il ne veut être exécuté !