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d’association ne seraient point disputées pied à pied, les moyens de refaire ou d’adapter à des fins nouvelles une éducation trop exclusive ne sauraient faire défaut. On a dit de bien des côtés dans l’enquête de 1899 : un bon élève de l’enseignement moderne peut apprendre le latin en assez peu de temps, si l’envie lui en vient. Assurément, mais les moyens de le faire n’avaient jamais manqué ; les moyens de s’assimiler rapidement le programme scientifique élémentaire avaient encore moins fait défaut aux bons élèves de l’enseignement classique littéraire[1]. On n’allait pas assez au-devant des besoins ou des désirs de changement ? Mais la question est de savoir si cela était si nécessaire et s’il ne faut pas se borner à venir en aide aux élèves pourvus de motifs et de moyens également sérieux. Ce n’est pas à la fantaisie de ceux qui veulent changer qu’il convient, en France surtout, de sacrifier ceux qui persévèrent. Si les exceptions justifiées sont respectables, encore est-il prudent de ne pas essayer d’en faire la règle.

L’autre idée comportait également des réserves. Les gens de métier auxquels on parle d’écoles préparant des contremaîtres par des leçons orales et par des cours ne manquent pas de sourire. Un contremaître, vous disent-ils, ne se forme qu’à l’atelier. Des études complémentaires lui seront assurément très utiles ; ce sera toujours son expérience active qui en assurera la valeur. Mais si l’atelier fait ainsi ses contremaîtres, pourquoi ces derniers seraient-ils condamnés à s’arrêter là ? La vie rapproche et mêle bien des gens qui, dans leurs jeunes années, ont pu se croire séparés par d’infranchissables distances. Un bon ouvrier, possédant Inintelligence de son métier, n’est donc pas sans y trouver les moyens de s’élever plus haut. On l’a vu, je pense, assez souvent, même sous l’ancien régime et même dans des nations qui n’avaient encore aucun enseignement public. Est-ce que nos industries, les petites surtout, mais quelquefois aussi les grandes, ne comptent pas un nombre respectable de travailleurs devenus patrons, d’hommes qui, après avoir pris rang dans une élite professionnelle, ne s’en sont pas tenus là, mais sont entrés peu à peu dans ce que nous avons appelé l’élite sociale ? Une fois naturalisés citoyens de cette dernière, ils s’y sont fait d’autant mieux apprécier qu’ils y

  1. Il existait même à cette fin une classe de mathématiques préparatoires dont la suppression fut généralement regrettée.