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de désavantage et moins de dangers pour les uns comme pour les autres. C’est ainsi que la nature maintient l’équilibre, sinon la paix entre ses espèces. La nôtre a évidemment une ressource de plus dans le concours et l’aide mutuelle, mais elle n’échappe pas pour cela aux fatalités de la concurrence ; si elle travaille à les écarter ou à les désarmer, c’est bien la preuve qu’elle les sent toujours menaçantes. Or, son meilleur moyen, c’est de substituer à la revendication de l’égalité le culte de l’harmonie. Celle-ci mérite d’autant plus la préférence qu’elle est, elle, absolument nécessaire et que l’égalité ne l’est pas. De plus, la recherche de l’égalité pour l’égalité est tout ce qu’il y a de plus fait pour rompre l’harmonie. L’harmonie, là où elle règne, facilite singulièrement la solution du problème de l’égalité : on peut presque dire qu’elle le supprime, pour l’avantage de tous ; car par une action d’ordre moral elle rétablit l’équivalent de l’égalité là où la nature avait commencé par imposer l’inégalité.

Quant au socialisme, on ne peut nier que, tout en conservant ses allures déclamatoires et en affectant de préparer une démolition complète de l’ordre social, il n’est pas sans avoir reconnu et sans propager certaines vérités fort pratiques. Il y aurait lieu de l’en féliciter davantage si, avec ses habitudes révolutionnaires, il ne prenait plaisir à tout exagérer. Non seulement les têtes du parti n’ont plus à l’égard du bourgeois ce genre de jalousie qui tendrait à vouloir faire de leurs enfans à eux des bourgeois de demain, mais ils s’en défendent énergiquement. Non contens d’honorer leur classe, ils tiennent à la préserver de toute compromission et ils veulent pour elle un système d’éducation strictement adapté à sa mentalité, à ses besoins, à ses moyens de développement autonome. A leur tour, ils se défient des écoles de l’Etat centralisé où, disent-ils, on pratique un simulacre d’embourgeoisement avec la vanité de la « petite science et l’anticléricalisme de M. Homais. » Ce sont là des expressions qui se trouvent textuellement dans les brochures de la Bibliothèque socialiste (devenue depuis peu Bibliothèque prolétarienne) et dans les fascicules du Mouvement socialiste. Aux syndicats de maîtres d’écoles du gouvernement ils voudraient opposer des écoles des libres syndicats, préparant leurs élèves à la pratique perfectionnée de l’industrie dont le syndicat surveille et défend les intérêts. Songent-ils à l’exemple des États-Unis où le maçon, le plafonneur, le