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POÉSIES


« Si belle qu’ait été la Comédie en tout le reste… »
Pascal.


LES MORTS

Seigneur, j’ai vu la face inerte de vos morts, J’ai vu leur blanc visage et leurs mains engourdies ; J’ai cherché, le front bas devant ces calmes corps, Ce qui reste autour d’eux d’une âme ivre et hardie.

Leur triste bouche, hélas ! hors du bien et du mal A conquis la suprême et vaine sauvegarde ; Comme un remous secret, hésitant, inégal. Un flottant inconnu sous leurs traits se hasarde.

Rien en leurs membres las n’a gardé la tiédeur De la haute aventure, humaine, ample et vivace ; Ils sont emplis d’oubli, d’abîme, de lourdeur ; On sent s’éloigner d’eux l’atmosphère et l’espace.

Barques à la dérive, ils ont quitté nos ports ; Ainsi qu’une momie au fil d’un flot funèbre. Ils vont, fardeau traîné vers d’étranges ténèbres Par la complicité du temps rapide et fort.

Nos déférens regards humblement les contemplent : Soldats anéantis, victimes sans splendeur ! — J’écoute s’écrouler les colonnes du temple Que mon orgueil avait élevé sur mon cœur. </poem>