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les Prussiens n’avaient pas de ses nouvelles ? — Moi, je pensais que les Prussiens attendaient la nouvelle que l’armée de l’Est n’existait plus. — Vous deviez être embarrassé, puisque vous ne saviez pas ce qui se passait en province ? — Certainement, nous étions embarrassés ! Nous savions que c’était fini, que Paris posait les armes, c’était forcément la paix. Je leur ai dit, je ne sais plus à propos de quoi : Bona fide. Au début de la conférence, M. de Bismarck nous avait dit, lui aussi, que nous allions traiter les questions de bonne foi. Nous n’avons pas cherché à soulever de difficultés. Je lui ai déclaré ceci : Vous pensez bien que nous ne serions pas ici, si tout n’était pas fini ! »

Ce récit est déjà extraordinaire, mais que dire de celui du général de Valdan ? Il convient cependant de reconnaître que le général de Beaufort avait proposé de laisser à Bourbaki l’occupation du département du Doubs en neutralisant la Haute-Savoie et le Jura. C’est alors que M. de Moltke dit aux négociateurs : « Les deux armées sont peut-être en présence, sur le point d’en venir aux mains. Il serait donc impossible de les prévenir à temps. D’autre part, les conditions qui sont faites à Bourbaki lui permettraient de se ravitailler et de recevoir des renforts, ce que nous ne pouvons admettre. — Laissez-lui au moins le département du Doubs pour vivre ? » riposta Beaufort. Mais sur les observations de Bismarck, la décision fut renvoyée au lendemain. Jules Favre crut comprendre alors que l’exclusion de l’armée de l’Est n’était que momentanée et qu’elle cesserait dès qu’on se serait entendu sur la ligne de démarcation des zones neutres, et cela Bismarck et Moltke le lui laissèrent croire. Sur ce, Beaufort considéra sa mission terminée et fit observer que ce serait au chef d’état-major de l’armée de Paris qu’incomberait la signature de la convention.

Le 28 janvier, le général de Valdan accompagna Jules Favre à Versailles. Interrogé le 28 janvier 1872 sur ce qu’il savait, il répondit à la Commission d’enquête : « Quant à la province, je ne savais pas le premier mot de ce qui s’y était passé. — Le gouvernement ne vous a pas donné connaissance de cela ? — Pas du tout. — Vous n’avez rien discuté ? — Bien. — Avez-vous eu à Versailles des nouvelles de l’Est ? — M. de Moltke a été réservé comme toujours. L’idée qui m’est restée, c’est que le gouvernement français comptait encore sur l’armée de l’Est. — Ce jour-là ? — Ce jour-là ; c’est pourquoi on l’a exceptée de