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Bourbaki, les manœuvres peu adroites de Garibaldi qui se laissa retenir à Autun et à Dijon par le général Ketteler, pendant que Manteuffel en profitait pour se jeter sur les derrières de l’armée de Bourbaki, toutes ces causes entravèrent et firent péricliter l’expédition. Bourbaki eût pu s’acquitter de la tache formidable qu’il avait assumée, car il avait à cœur de venger Metz, si les soldats sur lesquels il comptait ne lui avaient fait, en partie défaut, — car encore une fois cent mille hommes ne sont pas cent mille soldats ; — si « le général Hiver, » selon le mot de Napoléon, n’avait pas été aussi dur pour ses malheureuses troupes que pour les vieux grognards de 1812. Les hommes compétens ont d’ailleurs reconnu que la campagne de l’Est, qui avait eu de glorieux jours, eût obtenu des résultats autrement considérables, si le temps et les circonstances ne l’avaient contrariée. « L’obligation d’aller jusqu’à Belfort et de se lancer à l’aventure dans un pays d’inhospitalières montagnes avec des troupes peu solides et des communications difficiles, remarque Secretan, a paralysé le général en chef. »

L’extrême hâte avec laquelle tout avait été engagé, fut aussi une des causes de l’insuccès ; mais il faut remarquer que Bourbaki, après les revers d’Orléans, accepta cette mission difficile, mais en comptant sur toutes les garanties qu’on lui avait promises, comme par exemple l’action énergique de Garibaldi contre les forces allemandes destinées à secourir Werder. Il l’avait répété expressément le 26 janvier, à l’heure critique : « Vous me demandez de m’entendre avec Garibaldi. Je n’ai aucun moyen de m’entendre avec lui, mais si vous ne faites pas attaquer l’ennemi sur mes communications, je me considère comme perdu… En ne faisant pas assurer mes derrières, vous m’avez laissé aux prises avec 140 000 hommes. » Gambetta, lui aussi, n’était point satisfait de la coopération garibaldienne et déjà, le 24 décembre, il avait blâmé l’activité brouillonne du chef d’état-major Bordone, un pharmacien improvisé général, qu’il fallait ramener à ses véritables devoirs. La victoire de Dijon semblait avoir remis les choses en meilleur état, mais on ne savait pas que, pendant que Ketteler se faisait battre, le général de Manteuffel achevait, à travers des défilés voisins de Garibaldi, le mouvement qui devait perdre l’armée de l’Est. M. de Serres, envoyé avec le colonel Gauckler, pour examiner de près les opérations, avait reconnu que les Garibaldiens n’avaient pas su