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ne sont pas apparues çà et là au cours de l’histoire qui éclairent pour nous d’un reflet d’aurore prophétique la route obscure de l’avenir ? Tel serait le point d’insertion du problème religieux dans la philosophie nouvelle.

Mais ce mot « Religion » qui ne s’est pas encore une seule fois trouvé sous la plume de M. Bergson, en venant sous la mienne, m’avertit qu’il est temps de finir. Nul aujourd’hui ne serait fondé à prévoir les conclusions auxquelles, un jour sans doute, conduira sur ce point la doctrine de l’évolution créatrice. Plus qu’un autre, je dois oublier ici ce que moi-même j’ai pu ailleurs essayer de faire en cet ordre d’idées. Mais il était inévitable de sentir au moins l’approche de la tentation. L’œuvre de M. Bergson est infiniment suggestive. Ses livres, d’un ton si mesuré, d’une harmonie si tranquille, évoquent en nous un mystère de pressentimens et de rêves, atteignent jusqu’aux retraites cachées où jaillissent les sources de notre conscience. Longtemps après qu’on les a fermés, on en garde un ébranlement intérieur, on écoute ému l’écho de plus en plus profond qui s’en prolonge. Quelque riche que soit déjà leur contenu explicite, ils portent plus loin encore qu’ils ne visaient. On ne saurait dire tout ce qu’ils enveloppent de germes latens. On ne saurait deviner tout ce que réserve l’immense lointain des horizons qu’ils ouvrent. Mais ceci au moins est sûr : c’est que par eux, dans l’histoire de la pensée humaine, en vérité, quelque chose de nouveau commence.


EDOUARD LE ROY.