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Et d’abord, le fait de l’évolution biologique. Pourquoi l’a-t-on pris comme fondement du système ? Est-ce bien un fait, ou ne serait-ce qu’une théorie plus ou moins conjecturale et plausible ?

Remarquez en premier lieu que la thèse évolutionniste se présente au moins comme un outil de coordination et de recherche admis de nos jours par tous les savans, rejeté seulement sous l’inspiration d’idées préconçues qui n’ont rien de scientifique : et qu’il réussisse dans le rôle qu’on lui confie, sans doute est-ce déjà la preuve qu’il répond à quelque chose du réel. D’ailleurs, on peut aller plus loin. « L’idée du transformisme est déjà en germe dans la classification naturelle des êtres organisés. Le naturaliste rapproche en effet les uns des autres les organismes qui se ressemblent, puis divise le groupe en sous-groupes à l’intérieur desquels la ressemblance est plus grande encore, et ainsi de suite : tout le long de l’opération, les caractères du groupe apparaissent comme des thèmes généraux sur lesquels chacun des sous-groupes exécuterait ses variations particulières. Or, telle est précisément la relation que nous trouvons, dans le monde animal et dans le monde végétal, entre ce qui engendre et ce qui est engendré : sur le canevas que l’ancêtre transmet à ses descendans, et que ceux-ci possèdent en commun, chacun met sa broderie originale. » Il est vrai qu’on peut se demander si la voie de filiation permet d’aboutir à des écarts aussi grands que ceux dont nous fait témoins la variété des espèces. Mais l’embryologie est là pour répondre en nous montrant les formes les plus hautes et les plus complexes de la vie atteintes chaque jour à partir de formes très élémentaires ; et la paléontologie, à mesure qu’elle se développe, nous fait assister au même spectacle dans l’histoire universelle de la vie, comme si la succession des phases que traverse l’embryon n’était qu’un souvenir et un raccourci de tout le passé dont il est issu. Au surplus, les phénomènes de mutations brusques, observés récemment, viennent contribuer à rendre plus facilement intelligible cette conception qui s’impose à tant de titres, en diminuant l’importance des lacunes apparentes dans la continuité généalogique. Ainsi toute notre expérience est orientée dans le même sens. Or il y a des certitudes qui ne sont que des centres de probabilités concourantes ; il y a des vérités que seules des lignes de faits déterminent, mais qu’elles déterminent