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de propagation nerveuse lirait du même coup au plus secret de la conscience associée. Mais qui contestera qu’une thèse de ce genre ne soit en réalité qu’une hypothèse, qu’elle dépasse infiniment les données certaines de la biologie actuelle et qu’on ne la puisse formuler qu’en escomptant les découvertes futures dans une direction préconçue ? Disons le mot : ce n’est pas vraiment une thèse de science positive, mais une thèse métaphysique, au sens fâcheux de ce terme. A tout mettre au mieux, la valeur ne pourrait en être aujourd’hui qu’une valeur d’intelligibilité. Or cette valeur, elle ne l’a point. Comment comprendre une conscience destituée d’efficace, et, dès lors, sans liens avec le réel, sorte de phosphorescence qui, soulignant le contour des vibrations cérébrales, viendrait comme par miracle doubler de sa lueur mystérieuse et inutile certains phénomènes déjà complets sans elle ? Un jour, M. Bergson est descendu sur le terrain de la dialectique et, parlant à ses adversaires leur langage familier, il a démonté sous leurs yeux le « paralogisme psychophysiologique ; » c’est à la condition seulement de mêler dans un même discours deux systèmes de notations incompatibles, — idéalisme et réalisme, — qu’on parvient à énoncer la thèse paralléliste. Cette argumentation a frappé, d’autant qu’elle s’adaptait à la forme habituelle des discussions entre philosophe. Mais une preuve plus positive et plus catégorique se déroule tout au long de Matière et Mémoire. Sur l’exemple précis du souvenir analysé jusqu’en son dernier fond, M. Bergson saisit au vif et mesure l’écart entre âme et corps, entre esprit et matière. Puis, mettant en pratique ce qu’il a dit ailleurs sur la création de concepts nouveaux, il arrive à conclure, — ce sont ses propres expressions, — qu’il doit y avoir entre le fait psychologique et son substrat cérébral une relation sui generis, qui n’est ni la détermination de l’un par l’autre, ni leur indépendance réciproque, ni la production de celui-ci par celui-là ou inversement, ni leur simple concomitance parallèle, bref, qui ne répond à aucun des concepts tout faits que l’abstraction met à notre service, mais que l’on peut formuler approximativement en ces termes :

« Etant donné un état psychologique, la partie jouable de cet état, celle qui se traduirait par une attitude du corps ou par des actions du corps, est représentée dans le cerveau : le reste en est indépendant et n’a pas d’équivalent cérébral. De