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jusqu’au cœur le Dieu voilé qu’on y introduisit à une certaine époque et dont les Eumolpides firent à la fois l’arcane de leur doctrine et le couronnement du drame sacré. En fixant Dionysos d’une contemplation intense, nous trouverons en lui non seulement la cheville ouvrière de toute la mythologie, mais encore la force impulsive de toute l’évolution grecque.

Le génie hellénique a résumé sa conception de l’univers en quatre grands Dieux, qui sont des forces cosmiques éternelles. Ils se nomment Zeus, Poséidon, Pluton et Dionysos. Ces quatre grands Dieux se retrouvent dans la constitution de l’homme, qui les recrée en les reflétant et qui ne pourrait pas les comprendre s’il ne les portait pas en lui-même tous les quatre.

Quand l’Hellène, pour qui tous les mouvemens de la Nature étaient des gestes de l’Esprit, contemplait les phénomènes de l’atmosphère, les nuances du jour à travers le prisme de l’azur et des nuages, l’aurore et le couchant, l’éclair suivi de la foudre et le miracle étincelant de l’arc-en-ciel, il se sentait transporté dans l’aura supérieure de son être, et il prenait tous ces signes pour les messages et les pensées d’un Dieu. Car, comme la pensée jaillit du fond de l’âme, ces signes jaillissaient du fond de l’univers pour lui parler. — Or, ce Dieu du ciel et de l’atmosphère, il l’appelait Zeus. Pareils à l’espérance, à la colère et à la joie, qui sillonnaient son être, l’aurore, la foudre et l’arc-en-ciel manifestaient les pensées de Zeus.

Tout autre était l’impression que produisait sur lui l’Océan. Surface changeante, mobile, caméléonesque, aux mille couleurs, profondeur lourde et trompeuse, cet élément incertain, capricieux et fantasque, enveloppant la terre et s’insinuant dans tous les golfes, semblait un réservoir de rêve et d’apathie. Mais, au moindre souffle du ciel, ce dormeur devenait terrible. Aussitôt le vent déchaîné et c’était la tempête furieuse. Et pourtant, de l’Océan, père des fleuves, venait toute la vie de la terre. — Ce Dieu, le Grec l’appelait Poséidon. Il le sentait pareil au sang qui coulait dans ses propres veines, à cette vie cachée où sommeillait sa mémoire profonde, mais que fouettaient et que soulevaient jusqu’au ciel toutes les passions d’en haut et d’en bas.

Non moins forte était l’impression que donnait au Grec l’aspect du sol terrestre, hérissé de roches et de montagnes, ou celle qu’il éprouvait en descendant dans les cavernes, ou en voyant la bouche des volcans vomir un feu liquide. Il recevait