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lequel on devrait négocier avec le Vatican. Mais Falk ne se faisait plus d’illusion : son nom et son rôle suscitaient, dans l’Allemagne catholique, des antipathies indestructibles qui rendaient inopportun son maintien au ministère, durant une période de pacification. Les rapports nouveaux entre le Centre et le chancelier, et l’influence croissante des conservateurs protestans, étaient pour lui deux autres raisons de s’éloigner : car ces deux partis, catholique et conservateur, s’unissaient pour combattre son œuvre scolaire, jusque dans le synode général de l’Eglise protestante. Ainsi se déroulait la lettre de Falk : et devant cette coalition, Falk s’effaçait.

Pour reprendre le mot de Windthorst, la logique des faits se faisait sentir : les hommes du Culturkampf cessaient d’être majorité, le metteur en scène du Culturkampf abandonnait son portefeuille. Windthorst les regardait s’en aller, il comparait le Centre à une armée qui, drapeau en main, avait enfin fait irruption dans le camp ennemi. On n’avait rien concédé à Windthorst, c’était entendu ; on ne lui avait même rien promis. On demeurait très sévère, très raide ; aucune des victimes de la persécution religieuse n’était comprise dans l’amnistie, pourtant très large, par laquelle on fêtait les noces d’or impériales. Les prêtres exilés ne rentraient pas ; Windthorst pouvait dire : Je n’obtiens rien. Mais il pouvait en même temps signifier à l’Allemagne, dans le programme électoral qu’au mois d’août publiait le Centre, que l’effondrement du libéralisme marquait une transition vers des temps meilleurs. Car les auteurs des lois de Mai s’exilaient eux-mêmes des hautes cimes politiques ; ils prenaient congé du souverain, faussaient compagnie au chancelier ; ils déblayaient avec une prévenance imprévue certains points de la route, longue encore, et pleine d’ornières, par laquelle Léon XIII descendait vers Bismarck, très doucement, mais juste assez pour induire Bismarck à monter jusqu’à lui.


GEORGES GOYAU.