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Ainsi Windthorst et l’Allemagne catholique disaient amen, d’avance, à ce que Léon XIII déciderait avec Bismarck au sujet de l’Église d’Allemagne, comme naguère ils avaient dit : Non possumus, à ce que Bismarck avait décidé contre Pie IX.

Windthorst, ensuite, expliquait ce que serait, dans les questions proprement politiques, l’attitude du Centre. Non pas qu’il pût à l’avance, dans le détail, indiquer comment il voterait ; il pouvait du moins donner ces deux assurances, que les membres du parti voteraient toujours d’après leurs convictions, et que, dans les discussions où les questions de principe seraient en jeu, ils feraient toujours flotter en l’air, dussent-ils être seuls à le porter, « le drapeau de la liberté civique. » Mais entre ces deux promesses, l’habile machiniste politique intercalait une phrase qui, si furtive fût-elle, était dite pour être entendue :


Il est une chose, insinuait-il, dont tout homme intelligent devrait se rendre compte : si c’en était fini des malencontreuses luttes religieuses, si nous avions pu ramener les esprits à un certain calme, si nous apercevions que l’Etat entretient des sentimens bienveillans même pour ses sujets catholiques, alors, là où nous pourrions être indécis sur l’attitude à observer, nous serions volontiers enclins à nous ranger du côté du gouvernement.


Bismarck était prévenu : il y aurait des cas où le Centre, si Bismarck le voulait et le méritait, se prêterait à lui, pour faire triompher ses volontés.

Le Pape et le chancelier savaient désormais à quoi s’en tenir : le Pape pouvait être sûr, dans les questions religieuses, de l’obéissance du Centre ; et le chancelier, s’il donnait satisfaction au Pape et au Centre sur le terrain religieux, pouvait espérer de ce parti certaines complaisances politiques. Windthorst s’amusait ensuite à persifler ceux qui naguère accusaient les hommes du Centre d’obéir à Pie IX comme des cadavres et qui maintenant souhaitaient qu’une immixtion de Léon XIII dans les affaires prussiennes mît un terme à la prétendue rébellion de ce parti. « En agissant à votre gré, leur signifiait-il, la Curie justifierait le reproche de vouloir prendre sa part du gouvernement de l’Etat. Mais c’est là un rôle auquel la Curie n’aspire en aucune façon. » On avait affirmé, à tort, que Pie IX dirigeait le Centre, et l’on s’en était plaint ; on allait se plaindre, bientôt, que le Centre demeurât soustrait à la direction de Léon XIII. Windthorst conjurait les adversaires du Centre d’avoir quelque