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Nationaux-libéraux et vieux-catholiques s’inquiétaient de ces longues et discrètes entrevues, sur lesquelles on ne savait rien. D’anxieux petits vers circulaient : « Est-ce Bismarck, est-ce Rome, qui a gagné le plus d’atouts ? Seule, la nymphe des eaux thermales le sait : elle est fille discrète et silencieuse. » On n’était pas bien sûr, même, que la nymphe des eaux thermales partageai ce secret avec Falk, qui pourtant avait quelque titre à être informé. C’en est donc fait, s’écriait mélancoliquement à Vienne la Nouvelle Presse libre, de cet « épisode qui suscita les espérances nationales et qui renouvela le souvenir de la Réforme. Cet épisode finit sans gloire : ce fut la première campagne entreprise par le nouvel Empire ; il était plein d’espoir en la commençant, et voici qu’il la perd, amèrement dégrisé. »

Mais le cardinal Nina, successeur de Franchi à la secrétairerie d’Etat, avait le jugement froid et détestait les conclusions rapides : il observait, lui, qu’en définitive la Prusse ne promettait qu’une trêve, et qu’elle ne s’engageait pas d’une façon ferme, même pour un avenir éloigné, à la révision des lois de Mai. Un télégramme parvint à Masella, lui donnant l’ordre de quitter Kissingen. Docile et peut-être un peu déçu, Masella prit congé ; il implora, à la dernière minute, quelques faveurs insignifiantes pour les Ursulines silésiennes ; Bismarck se cabra et refusa. « Je vous aurais accordé bien autre chose, si Rome avait voulu s’entendre, » déclara le chancelier. Il demeurait content de Masella, mais il se dépitait contre la Curie romaine. « Ce pauvre Masella, disait-il au ministre wurtembergeois Mittnacht, je pourrais lui dire : Malheureux, tu viens avec les mains vides. Qu’a donc la Curie à m’offrir ? Est-ce que le Centre lui obéit ? Il n’y a pas grand’chose à gagner : autrement j’irais un peu à Canossa. On se figure à Rome, tout à fait à tort, que je veux la paix à tout prix, et que j’en ai besoin. »


IV

Ainsi consolait-il sa déconvenue, mais il sut bientôt directement, d’une façon sûre, ce qu’à Rome on pensait. Nina, dès le 11 août, lui faisait parvenir une lettre personnelle d’explications. Le cardinal développait cette idée qu’une trêve, n’excluant pas la législation actuelle contraire aux lois de Dieu et de l’Eglise, ne pourrait qu’être éphémère ; que des conflits nouveaux, et