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douloureuse situation, et d’enlever l’obstacle qui empêchait les catholiques de concilier l’obéissance due à l’Eglise avec la soumission due au pouvoir civil. On y arriverait, disait-il, en rétablissant les articles de la constitution prussienne qui, de 1850 à 1873, avaient pleinement garanti la liberté de l’Église. Léon XIII en conjurait la justice de Guillaume ; il s’offrait à contribuer, pour sa part, à hâter l’apaisement, et promettait de veiller, ultérieurement, à ce que « l’accord entre les deux autorités suprêmes fût conservé et augmenté. » Ainsi Léon XIII réclamait, pour l’Eglise de Prusse, le même statut constitutionnel dont elle avait joui vingt-deux ans durant, et que la Chambre prussienne avait dû déchirer pour élaborer, à son aise, les aventureuses lois de Mai.

Ne voulant pas dire oui, Guillaume et Bismarck différèrent un peu de répondre non ; et le comte Holnstein, repartant de Berlin pour Munich à la fin d’avril, eut mission de continuer à causer. « En un-quart d’heure, monseigneur, disait-il à Masella, tout pourrait s’arranger ; que n’allez-vous à Berlin ? » Il laissait espérer qu’à l’égard même des évêques déposés, la Prusse, peut-être, se montrerait finalement plus complaisante qu’on ne le pensait à Rome. Masella fit remarquer qu’il était sans mission pour traiter les points très importans sur lesquels portait le litige, par exemple la question des lois de Mai. Holnstein, toujours caressant et toujours pressé, répliquait que de part et d’autre il suffirait de désirer s’entendre, que c’était là l’essentiel ; et puis, glissant à l’oreille du nonce un bon conseil, il lui insinuait que Windthorst et un certain nombre de membres du Centre exploitaient la question religieuse au profit de leurs passions politiques, que c’étaient des particularistes, hostiles à l’Empire, et qu’il importait beaucoup, aux yeux de Bismarck, que le négociateur du Saint-Siège s’abstînt de recourir aux bons offices de gens aussi suspects. Masella comprit, ce jour-là, de quoi rêvait Bismarck, d’une paix faite avec Rome par-dessus la tête de Windthorst.

Le Saint-Siège, prévenu, fut d’avis qu’il ne fallait pas laisser tomber la conversation : le nonce, alors, résolut de la poursuivre par écrit. Il observa, dans une note, que Bismarck, en ce moment même, désireux de régler les affaires des Balkans, avait résolu de prendre pour point de départ des négociations, non pas le traité de San-Stéphano, qui précisément faisait l’objet des discordes, mais le lointain traité de 1856 ; de même, concluait