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sortirais de mon trou avec un vrai plaisir, mais… Que de mais désolans dans notre malheureuse carrière de travail et d’efforts !…

Est-il vrai, comme l’a dit un journal, un seul, il y a une quinzaine, que Lehmann soit nommé aux Beaux-Arts en remplacement de Pils ? Comme choix, il vaut bien les autres candidats (Baudry excepté). Comme signification, c’est, je pense, une fière revanche du vieil Institut ; et la revanche ne s’arrêtera pas là, n’est-ce pas ?


Au même.


Saint-Maurice, ce mardi 16 novembre (1875).

Enfin ! Nous serons à Paris demain soir mercredi, à moins d’incident, par l’arrivée de dix heures moins un quart. Je laisse ma chère mère navrée, et c’est le seul chagrin qui gâte mon départ.

Je suis loin d’être content de moi, mais j’ai fait ce que j’ai pu.

Quant au livre, il n’a pas avancé d’une ligne depuis vingt-cinq jours ; j’ai donné ces trois dernières semaines à la peinture : il le fallait. On me dit que tu es impatient. Je ne le suis pas moins. Tu me fixeras sur bien des points qui me tourmentent : il y a du pas mal, mais c’est faible d’idées ; le livre est tout à composer, et bien des morceaux sont à refaire, notamment Rembrandt. De plus, que d’erreurs et combien d’inexactitudes à corriger ! Enfin, il est loin d’être complet, bien entendu. Non seulement, il y manque des parties de fond, comme la suite des Flamands et des Primitifs ; mais la plupart des idées un peu neuves qu’il faut y introduire, les leçons qu’il convient d’en tirer, les applications au présent, rien de tout cela n’y est. Et c’est là l’indispensable moralité sans laquelle mon travail n’aura ni valeur, ni à-propos, ni nouveauté. Enfin tu verras.

Cela me donne envie de poursuivre, et ce serait à mon avis dommage de ne pas tenter davantage. Voilà, je crois, l’opinion que tu en auras également, d’après certains morceaux, qui, sans être tout à fait venus, promettent.

Il me tarde donc autant et plus qu’à toi, cher, que nous soyons tous les deux dans le huis-clos, appliqués à cet examen, que je redoute et que j’attends.