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On en sera surpris. Mais je sacrifie tout à ses goûts. Il sera logé et vivra comme il l’ordonnera. » De même, on accepte à Versailles, dans ses détails un peu puérils, la mise en scène de comédie réglée à l’avance par Joseph. « Le jour où l’Empereur arrivera, spécifie Mercy-Argenteau[1], je conduirai Sa Majesté par des passages détournés jusque dans les cabinets de la Reine, de façon qu’il ne soit aperçu de personne. Le Roi surviendra quelques momens après, par la communication intérieure de son appartement avec celui de la Reine… »


IV

Différentes circonstances, notamment la mauvaise saison, firent ajourner le voyage de quelques semaines. Le vendredi 18 avril, eut lieu enfin l’arrivée à Paris. Vêtu de gris, sans décoration, sans escorte, deux laquais sur le siège, un aide de camp assis à ses côtés, l’auguste voyageur occupait une petite voiture, « laide et légère, » entièrement découverte, et, comme il pleuvait à torrens, il « était trempé d’eau[2]. » Il descendit l’ambassade d’Autriche, au « Petit-Luxembourg[3], » d’où, le lendemain matin, on le conduisit à Versailles dans une voiture de poste. Tout se passa comme il était convenu, et sans aucun cérémonial. Dans les premiers instans, entre Joseph II et sa sœur, on crut remarquer quelque gêne ; il fallut, pour les mettre à l’aise, l’entrée du Roi, cordial et simple, sincèrement affectueux. On dîna peu après dans la chambre à coucher de Marie-Antoinette, les trois convives « perchés sur des plians égaux, » d’une manière assez incommode ; on écartait ainsi des difficultés d’étiquette. L’Empereur, au cours de ce repas, semblait un peu embarrassé ; il avait l’air, dit le duc de Croy, « d’un étranger respectueux. » Le service était fait par les femmes de la Reine. Le dîner fut rapide ; Louis XVI, contre son habitude, fit presque tous les frais de la conversation.

A quatre heures, on se sépara, et Joseph se rendit à pied chez le comte de Maurepas. Il trouva l’antichambre « pleine de solliciteurs, » et comme, au nom du comte de Falkenstein, le

  1. Lettre du 17 janvier 1777. — Correspondance publiée par d’Arneth.
  2. Journal de Croy.
  3. La suite fut logée dans un petit hôtel de la rue de Tournon, aujourd’hui le restaurant Foyot.