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limites des nadiels des parcelles non cultivées ; d’autres sont louées à des tiers. Cela crée un état de choses qui, au premier examen, paraît incompréhensible : d’une part, le paysan manque de terre et va en chercher de l’autre côté de l’Oural ; d’autre part, il ne travaille même pas celle qu’il possède. Il est évident que les causes d’une telle anomalie résident dans les conditions actuelles de l’exploitation de la glèbe.

Ces conditions ne déterminent pas seulement l’arrêt de la culture ; elles mènent en outre à l’épuisement forcé du sol, à l’abaissement du rendement des récoltes.

Il est notoire que la « terre noire, » en Russie, est le meilleur des sols de l’Europe au point de vue de la fertilité. Le rendement agricole de la Russie est cependant inférieur à celui de l’Allemagne ou de la France. On ne saurait affirmer que le paysan russe ne jouit que d’une quantité insuffisante de terre, car la surface revenant à chaque feu dépasse considérablement celle de nos voisins d’Occident. Elle atteint, en moyenne, 10 déciatines, 2 pour les 50 gouvernemens de la Russie d’Europe, si l’on ne considère que les terres du nadiel, et 13 déciatines, si l’on y ajoute les terrains acquis par les paysans. En Autriche, la surface moyenne de la petite propriété n’atteint que 5 déciatines, 1 ; en France 4 déc. 4 ; en Allemagne 4 déc. 1. Cependant le bien-être de la population rurale, en Russie, est loin d’être proportionné à cette possession. Les récoltes y donnent des rendemens extrêmement variés, et tout le monde se souvient d’une série d’années mauvaises qui a éprouvé si durement la population des villages russes. Le retour en est toujours possible. La cause d’une telle situation n’est donc pas dans le manque de terre, elle est dans les difficultés rencontrées pour les améliorations rurales et dans l’impossibilité de maintenir au même niveau la productivité du sol.

En administrant les terres, les communes n’ont su que les répartir équitablement entre leurs membres : ce n’était résoudre qu’une partie du problème. Si les conséquences du morcellement exagéré et de l’éparpillement des terres pouvaient n’être pas prévues, elles sont cependant depuis longtemps évidentes ; or les communes n’ont rien changé à leur manière d’opérer ; bien mieux, elles n’ont fait que l’aggraver. L’expérience ne les a pas instruites, elles ne se sont pas inquiétées des résultats obtenus. Elles n’ont visé qu’à doter justement chacun de leurs