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observer une équité parfaite, on classifie d’abord la totalité des terres, d’après la qualité du sol, puis on tient compte du degré d’éloignement du village, de la destination fixée à certaines terres, etc. Ce n’est qu’ensuite que la commune divise les terres de chacune des classes et catégories en autant de parcelles qu’il y a de feux. Ce système de fractionnement du nadiel amène des résultats extraordinaires : il fait quelquefois attribuer à un seul feu 100 parcelles, et plus, de terrain. Ces parcelles ont la forme de languettes, forme à coup sûr peu favorable à l’exploitation du sol, étant donné surtout qu’il n’est pas rare de voir des languettes de 2 à 3 mètres de large sur plus d’un kilomètre de long.

A chaque nouveau partage, l’examen des qualités naturelles de la terre (de sa fertilité, de son degré d’épuisement, etc.) se fait avec une minutie croissante. Le nombre des fractions du nadiel à qualités diverses s’accroît et, avec l’augmentation des habitans, le sol se divise en des bandes si étroites que leur largeur n’est plus mesurée en sagènes, mais en archines ou en pieds ! Les lisières, couvertes de mauvaises herbes, occupent sur le nadiel entre les bandes des divers feux une surface de plus en plus envahissante comme dans la Russie centrale, par exemple, où, malgré le besoin de terres, un septième des champs est perdu sous les sillons des limites.

Outre le fractionnement et le morcellement extrême du nadiel, chaque nouveau partage occasionne encore un allongement excessif des bandes parcellaires, surtout quand le nadiel occupe une surface considérable et de forme allongée. Par souci d’équité, les languettes revenant à un feu lui sont attribuées dans toutes les parties du nadiel, dans les plus proches ainsi que dans les plus lointaines du village ; aussi, nécessairement, une partie de ces bandes se trouve-t-elle à une grande distance de l’habitation. Une distance de 5 à 10 verstes[1] est considérée comme normale. Le transport des engrais sur des parcelles aussi éloignées devient un travail qui ne vaut pas la peine d’être entrepris, et la culture la plus simple, même sans efforts pour augmenter la productivité du sol, ne saurait dans ces conditions donner de résultats tant soit peu avantageux. C’est pourquoi, malgré le manque de terre, on rencontre fréquemment sur les

  1. La verste = 1 067 mètres.