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propriété de la quantité de terre fixée, les paysans… entrent définitivement dans la condition des paysans libres propriétaires… Qu’ils s’appliquent avec zèle aux travaux agricoles, afin de pouvoir tirer d’un grenier abondant la semence qu’ils doivent confier à la terre… acquise en toute propriété. »

Le droit pour les paysans d’acheter la terre en toute propriété était fixé de façon très nette par la loi : « Lorsque le paysan, désireux de se séparer de la commune, aura versé en totalité le montant du rachat de son lot, la commune sera obligée de lui attribuer un lot correspondant, autant que possible d’un seul tenant. » La loi stipule en outre que « les lots acquis par un paysan isolé constituent sa propriété individuelle. »

Mais la réforme de 1861, qui devait changer toutes les conditions de la vie rurale, était trop vaste et trop complexe pour qu’elle pût être appliquée à chaque paysan séparément. Avant d’attribuer la terre à des feux isolés, il fallait distinguer les terres qui devaient rester aux propriétaires domaniaux, c’est-à-dire aux anciens seigneurs, de celles qui devaient passer aux paysans. De plus, le droit, acquis par cette réforme au libre travail, était tellement précieux qu’il devait s’exercer sans retard, dans le plus bref délai. Il est naturel qu’une tâche aussi considérable, se rapportant à des dizaines de millions de déciatines, ait relégué au second plan la question des formes d’exploitation de la terre. Aussi le manifeste de 1861 se bornait-il, au sujet de la façon d’exploiter le sol, à constater l’ordre de choses existant, sans examiner les avantages des deux modes de propriété, individuelle ou communale. Il avait uniquement pour objet : « le rachat de la terre en propriété. »

Il fallait toutefois assurer l’opération financière du rachat de ces terres, qui représentaient à peu près un milliard de roubles, soit près de deux milliards et demi de francs. Mais comme le travail libre des paysans était une force encore inconnue, on ne pouvait prévoir dans quelle mesure le petit cultivateur ferait face aux engagemens pris pour le rachat, dans des conditions nouvelles pour la Russie rurale. L’ensemble de ces considérations n’a pas alors permis à l’État de se mettre directement en relation avec chacun des nouveaux propriétaires ruraux. Un intermédiaire, entre les anciens serfs et lui, devait agir. Ce rôle a été rempli par la commune, unité déjà éprouvée et de constitution historique, parce qu’elle offrait des garanties,