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l’attention sur l’auteur de Don Juan. Astarté, le fantôme évoqué par le remords qui déchire l’âme de Manfred, c’est, on le devine, Augusta Leigh qui nous a apparu, au début de cette étude, sous des couleurs si différentes.

Le livre de lord Lovelace est pénible à lire, parce qu’il est écrit dans une note hautaine et agressive qui écarte la sympathie. Du moment qu’il prenait la plume et faisait le public juge de sa cause, il était tenu de se soumettre aux convenances élémentaires de notre métier ; il devait traiter avec quelques ménagemens ceux qui ont abordé ce sujet avant lui et qui l’ont abordé, je pense, en toute sincérité. Il a, d’ailleurs, cédé à la même tentation que les autres, en considérant tous les poèmes de Byron comme autant de confessions autobiographiques. À ce compte, on pourrait soutenir qu’il a galopé, avec Mazeppa, à travers la steppe sans limites, attaché à un cheval sauvage, ou qu’il a été enfermé, avec Bonnivard, dans le souterrain du château de Chillon, ou que, dans le harem du Sultan, il a été le héros de la scabreuse aventure nocturne introduite dans Don Juan. On sent combien cette manière de raisonner prête à l’erreur.

Mais, après avoir résisté le plus longtemps possible à ce livre déplaisant et à la thèse qu’il soutient, on est obligé, enfin, de se rendre aux « faits nouveaux » qui rendaient indispensable la révision de ce douloureux procès, et qui se trouvent relégués dans l’avant-dernier chapitre. Ce sont les lettres écrites par Augusta à lady Byron, notamment celle du 17 septembre 1816, que j’ai citée plus haut, et la lettre de Venise, dont j’ai donné une phrase caractéristique.

Profonde a été l’émotion causée par l’apparition d’Astarté, non seulement dans le monde littéraire, mais dans la haute société anglaise qui voyait quelques-uns de ses grands noms intéressés en cette affaire. L’attaque du petit-fils contre le grand-père devait, nécessairement, éveiller des contradictions. Augusta Leigh a trouvé un champion énergique et convaincu dans M. Richard Edgcumbe.

A la « légende de l’inceste, » née d’un propos de Caroline Lamb et couvée, pendant quarante ans, par l’imagination vindicative de lady Byron, il propose de substituer tout un roman, fait de conjectures, mais qui repose, cependant, sur quelques faits établis.