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tentation, une chance pour l’ancien soupirant. Mais Mary, selon toute apparence, était à la fois une curieuse et une femme à scrupules. Elle eut soin d’avoir quelqu’un auprès d’elle quand elle reçut Byron et elle lui écrivit des lettres où elle insiste tellement sur son amitié qu’elle a tout l’air de s’en faire un paratonnerre contre l’amour. Aussi bien, ce n’était là pour lui qu’une diversion campagnarde, et, dès qu’il rentrait à Londres, il était ressaisi par ses amoureuses de haut parage. Puis il commençait à sentir, aux approches de la trentième année, le besoin d’une existence plus stable et il cherchait, — sans se hâter, — une femme dont la fortune paierait ses dettes. Lady Melbourne, désireuse de ramener un peu d’ordre et de paix dans le ménage de son fils et dans la cervelle de sa bru, lui suggéra sa propre nièce, miss Milbanke, qui réalisait toutes les conditions souhaitées. C’était une riche héritière (on a contesté le fait, mais il demeure patent, indéniable) ; donc, elle réparerait les brèches que les folies du jeune homme avaient faites à la fortune patrimoniale. Instruite sans pédanterie, calme et raisonnable, elle apporterait, dans la maison et dans la vie du poète, la régularité et la dignité qui y faisaient si cruellement défaut. Byron lui-même écrivait à un de ses amis : « Miss Milbanke est la perfection même, et n’est nullement gâtée pour une fille unique. » Il fit sa demande. La jeune fille refusa et entama aussitôt avec lui une correspondance amicale, presque tendre. Dire non, avec l’intention de dire oui plus tard, est tout à fait dans les mœurs anglaises. Je ne m’arrêterai point à détailler les causes ni les conséquences de cet usage, mais, en ce qui touche miss Milbanke, il semble avoir eu de bien funestes résultats. Tandis que, supposant Byron très épris, elle engageait un dialogue épistolaire où elle jouait le joli jeu de l’amitié amoureuse, ce cœur, qu’elle croyait tenir au bout d’un fil, s’égarait dans tous les chemins de traverse.

Vers ce même temps, une autre influence se dessine et s’accuse tous les jours davantage ; une troisième femme, très différente des deux autres, prend une grande place dans la vie et dans les affections de Byron. Je veux parler de sa sœur ou, pour être plus précis, de sa demi-sœur, Augusta. Née du premier mariage du capitaine Byron avec la grande dame qui s’était enfuie en sa compagnie, elle est plus âgée que le poète de plusieurs années. Attachée, comme demoiselle d’honneur, à