septième, si l’on veut ; La huitième et dernière est la plus grave : « Il faut négocier (avec l’Espagne) et vous vous en occupez, messieurs les ministres. Vous vous en occupez, j’ose dire : enfin ! Eh bien ! que demandez-vous ? qu’obtiendrez-vous ? » Et, parla, M. de Mun retourne à la défense de sa motion : « Nous ne le savons pas et j’entends bien qu’à l’heure où nous sommes, vous ne pouvez pas nous le dire. Mais alors comment voulez-vous que nous discutions ? La Chambre ne peut ainsi discuter sans savoir. » Dans une péroraison superbe, l’orateur lui montre ce témoin et ce juge à l’austère présence de qui elle ne pense pas toujours suffisamment : l’histoire qui la regarde, « celle de demain, cachée dans l’obscurité du présent, celle d’hier debout dans le deuil du passé. » Sous cette adjuration, la Chambre entière réfléchit que c’est pourtant la vérité qu’en ce moment même elle fait de l’histoire ; et elle admire encore, quand, d’un pas ferme, M. de Selves se dirige vers la tribune.
Il n’y resta d’abord que quelques minutes. Mais ce fut, de sa part, une erreur, y étant monté si tôt, d’en descendre si précipitamment. Et ce fut une erreur plus grosse, en étant descendu si brusquement, d’y remonter si vite. Ce fut, en outre, une troisième erreur, et la pire, de la part du ministre des Affaires étrangères, de n’avoir pas écrit son discours, ou, s’il l’avait écrit, de ne pas le lire. Plus la Chambre, au début de cette discussion dont elle sentait vivement la gravité, faisait effort pour contraindre ses nerfs, plus il fallait craindre et se garder d’en provoquer la détente soudaine. Injuste comme le sont les foules, elle fit trop cruellement expier à M. de Selves la fortune qu’il avait eue jusqu’à cette heure-là d’être trop longtemps trop heureux. Mais, en cette heure-là aussi, désemparé par la rudesse du choc, il tomba de malheur en malheur : il fut la victime paralysée de cette fatalité qui ne permet pas qu’on répare une défaillance de langage et qu’on puisse la reprendre sans l’aggraver : trois fois, coup sur coup, l’expression mal venue trahit ses meilleures intentions. Ce que le ministre voulait dire était excellent : ce qu’il disait ne le paraissait pas. Il souffrait, et tout le monde souffrait. Le Journal officiel lui-même ne saurait donner de cette partie de la séance qu’une image décolorée. Quand M. de Selves eut fini, il était évident que le gouvernement avait à peine commencé de fournir ses raisons.
Ces raisons, la malice des « couloirs » prétend que M. Millerand se hâta de les apporter, devançant, par une initiative hardie, le président de la Commission des affaires extérieures, M. Paul Deschanel, qui les eût, et qui le prouva le lendemain, tout aussi bien exposées.