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menaçans aux Etats-Unis comme dans certains pays d’Europe. Jusqu’à maintenant, la vigueur des individus y paraissait assez grande pour résister à ces tentatives ; une nation qui a réussi à créer, par le seul effort des particuliers, d’une part, un gigantesque réseau ferré, d’autre part, les usines qui produisent la moitié du fer et de l’acier consommés à la surface du globe, ne consentirait jamais, semblait-il, à mettre son activité économique à la merci d’une armée de fonctionnaires. Ce qui se passe depuis quelque temps est de nature à ébranler quelque peu cette confiance : hâtons-nous d’ajouter qu’il n’est pas encore question, au moins autrement que dans certaines élucubrations théoriques, de confiera l’Etat aucune exploitation industrielle. Toutefois, qu’arriverait-il si des mesures législatives maladroites affaiblissaient les rouages actuels au point de leur ôter le ressort indispensable au progrès des entreprises ? Verrions-nous alors se constituer un immense réseau fédéral, dix fois grand comme celui de la Prusse et dix fois plus difficile à administrer ? Nous aimons à croire que l’individualisme américain aura raison de ces tendances et que le bon sens des habitans du Nouveau Monde saura comprendre la leçon que lui donnent la plupart des exploitations d’Etat de la vieille Europe. De ce côté-ci de l’Océan, en effet, les exemples abondent qui mettent en lumière le contraste entre les industries particulières et les autres. L’équilibre du budget français a été rompu par le rachat du réseau de l’Ouest, qui a creusé dans nos finances un gouffre permanent. Il y a là une cause de perturbation constante. L’Etat dévore des capitaux qui sont soustraits au marché libre et dont l’absence aggrave les crises.

Considérée au point de vue mondial, la crise de 1911 aura, malgré tout, été moins grave que celle de 1907. Le motif principal en est que les ruptures d’équilibre sont en général moins violentes en Europe qu’aux Etats-Unis ; malgré leur richesse, ceux-ci n’ont pas encore une organisation de banque qui leur permette de venir en aide à la communauté financière aussi efficacement que les instituts d’émission de l’Ancien Monde. Cette fois-ci, non seulement l’ensemble des affaires y était dans une situation normale, bien que la récolte fût moins bonne qu’en 1907 ; mais l’argent y était abondant ; on n’a rien vu de semblable aux semaines de panique d’il y a quatre ans. Certaines actions, favorites de la spéculation, ont baissé de 10 ou 20 pour