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longue période d’affaires, beaucoup de spéculateurs restaient engagés à la hausse sur des titres de toute nature. Cette situation s’est soudainement aggravée par suite de la brusque apparition du facteur politique. Les craintes de complications marocaines n’ont évidemment pas changé l’équilibre des forces financières ni modifié la quantité des capitaux disponibles mais elles ont inspiré aux détenteurs de ces capitaux le désir de les conserver à leur portée immédiate, c’est-à-dire de ne pas même les prêter à courte échéance, de les avoir dans leur caisse en numéraire ou en dépôt à vue chez leur banquier. Cet état d’esprit avait pour effet d’immobiliser une certaine quantité d’or, dont chacun se munissait en vue d’éventualités graves, et de diminuer d’autant l’encaisse de l’institut central d’émission ; les banques, obligées de tenir à leur tour des sommes importantes prêtes au premier appel de leurs cliens, devenaient plus difficiles pour l’escompte du papier : de là les hausses qui, dans la troisième semaine de septembre, ont été décrétées par la plupart d’entre elles. L’élévation du taux d’escompte de la Reichsbank de 4 à 5 pour 100, qui a eu lieu le 19 septembre 1911, n’a rien eu d’anormal à pareille époque de l’année. Elle se produit souvent. C’est ainsi qu’en 1906, létaux avait passé de 4 1/2 à 5 le 18 septembre ; en 1909, de 4 à 5 le 10 octobre ; en 1910, de 4 à 5 le 26 octobre. L’échéance de fin septembre est la plus forte de l’année. Cette fois-ci, les besoins se sont manifestés un peu plus tôt qu’à l’ordinaire, parce que l’élévation du taux est apparue de bonne heure comme inévitable. Avant la Reichsbank, la Banque nationale de Belgique avait élevé son taux d’escompte de 4 1/2 à 5 1/2 pour 100. Elle a été suivie par la Banque d’Angleterre qui l’a porté de 3 à 4, par la Banque de France qui l’a porté de 3 à 3 1/2, par la Banque austro-hongroise qui l’a porté de 4 à 5, par la Banque de Suède qui a passé de 4 à 5 pour 100. Il y a donc eu, au début de la seconde quinzaine de septembre, un renchérissement marqué de l’argent dans la plupart des pays européens. Si, au lieu de considérer les taux d’escompte, nous examinions ceux des avances et des reports, nous constaterions un niveau plus élevé : le prix des avances, que consentent les instituts d’émission, dépasse régulièrement de 1/2 ou de 1 pour 100 celui de l’escompte, et les reports pratiqués aux différentes bourses sont en général encore supérieurs.