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III. — LA CRISE DE 1911 EN EUROPE

L’année 1911 ne débutait pas en Europe comme 1907. Sur les marchés financiers, les capitaux paraissaient plus abondans, mais ce n’était un mystère pour personne que les récoltes de 1910 avaient été mauvaises : la France n’avait recueilli que 90 millions d’hectolitres de blé au lieu de 125 millions en 1909 : il lui manquait, pour sa consommation annuelle, environ 25 millions d’hectolitres, qui, à 20 francs l’un, représentaient une somme de 500 millions de francs : il est vrai qu’une partie notable de cette somme devait entrer dans les caisses du Trésor, sous forme de droit de douane frappant les céréales importées, à raison de 7 francs le quintal. Ce revenu imprévu a contribué à assurer l’équilibre du budget. Les vendanges avaient été mauvaises, si bien que le prix de l’hectolitre de vin, difficilement vendable à 10 francs et au-dessous, s’éleva brusquement aux environs de 40 francs. Dans la plupart des autres pays européens, sauf la Russie, l’agriculture n’avait pas non plus été favorisée ; aussi les observateurs expérimentés ne pouvaient-ils s’empêcher de redouter les conséquences de ce déficit des produits de la terre. Pour notre pays en particulier, la nécessité d’acheter au dehors des quantités considérables d’objets d’alimentation s’imposait. Les statistiques de 1911 en ont fourni la démonstration : nos importations de produits alimentaires accusent un accroissement énorme par rapport à l’année précédente, alors que nos exportations sont restées à peu près stationnâmes. Il était donc évident que nous aurions du numéraire à expédier pour payer ces acquisitions ; ou, ce qui revient au même, qu’une partie des sommes, qui nous sont dues pour les arrérages des valeurs étrangères que nos capitalistes ont en portefeuille, devrait rester au dehors et servir à acquitter le prix de notre excédent d’importations. Ces deux effets n’ont pas manqué de se produire : le stock d’or de la Banque de France, du 29 décembre 1909 au 5 octobre 1911, a baissé de près de 100 millions, passant de 3 500 à 3 108 millions de francs. Il est curieux de constater que, durant la même période, l’encaisse or de la Banque de l’Empire allemand s’est au contraire accrue de 200 millions de francs environ, celle de la Banque d’Angleterre de 250 millions, celle de la Banque de Russie de 150