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que, sur le marché, les autres établissemens escomptaient le papier de banque à des taux qui ne dépassaient guère 4 pour 100. Cet écart considérable entre les conditions imposées par la Banque d’Angleterre et celles du marché libre, est la meilleure preuve d’une situation monétaire saine. Le phénomène inverse, c’est-à-dire celui qui résulte d’une élévation des taux privés au-delà de celui de la Banque, indique au contraire la crise, puisque, à ce moment, les établissemens, sachant ne pouvoir réescompter à la Banque centrale, se montrent extrêmement difficiles pour l’octroi du crédit. La réserve de la Banque atteignait 53 pour 100 le 16 janvier ; huit jours plus tard, elle était à 55, ce qui amenait une réduction de l’escompte à 4 pour 100, au-dessous par conséquent du niveau antérieur à la crise ; il était désormais évident que celle-ci était terminée. Le 5 mai 1908, la Banque d’Angleterre descendit à 3 1/2, le 19 du même mois à 3 pour 100 ; le 28 mai à 2 1/2. C’était la réaction complète, après la tension prodigieuse de 1907. L’escompte privé tombait sur la place de Londres à 1 1/4 : les détenteurs de capitaux ne savaient comment les employer à courte échéance.

Le pays d’Europe qui paya le plus large tribut à la crise de 1907 fut l’Allemagne. C’était le plus vulnérable, à cause de la rapidité de son développement industriel et de l’énorme besoin de capitaux qu’il avait entraîné. Après avoir connu, avant la fin du XIXe siècle, quelques années où le loyer de l’argent était presque aussi bas qu’à Paris et à Londres, le marché de Berlin entra dans une période de cherté de l’argent de laquelle il n’est pas encore sorti. C’est ainsi que le taux moyen de la Banque de l’Empire a été de 5 en 1906, de 6,03 en 1907, de 4,76 en 1908, de 3,92 en 1909, de 4,35 en 1910, alors que, pendant ces cinq années, celui de la Banque de France a été 3, 3,47, 3,04, 3 et 3 pour 100. Au début du mois de juillet 1907, le taux d’escompte de la Banque de l’Empire était déjà 5 1/2 et la circulation dépassait notablement la limite des billets francs d’impôt[1]. L’activité commerciale et industrielle était remarquable ; la consommation du fer était en progrès de 11 pour 100 sur l’année précédente ; durant le seul mois de juin, l’Allemagne avait importé

  1. La Banque de l’Empire d’Allemagne ne peut émettre de billets pour plus du triple de son encaisse métallique. Lorsque le chiffre de son émission dépasse celui de l’encaisse augmenté d’une somme fixée par la loi et qui s’appelle le contingent, l’excédent acquitte un impôt de 5 pour 100 l’an.