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nécessaires pour payer les fermiers. Le gouvernement fédéral était intervenu, non seulement en confiant la plus forte part de ses disponibilités aux banques, mais en ouvrant une souscription publique à deux emprunts, d’ensemble 750 millions de francs, dont les titres devaient fournir aux établissemens d’émission la couverture nécessaire pour gager une augmentation de leur circulation. Dans la pensée du secrétaire de la Trésorerie, cette création d’obligations, par un gouvernement qui avait plus d’un milliard de francs disponibles dans ses caisses, devait avoir encore un autre effet que celui de fournir aux banques nationales le seul élément au moyen duquel leurs promesses de paiement peuvent être légalement garanties. Il espérait faire sortir de leurs cachettes les espèces, que les particuliers y accumulaient, et remettre ainsi en circulation des quantités importantes de numéraire. Quelle démonstration éclatante de la faiblesse du système américain ! Les banques étaient dans l’impossibilité de fournir au public des billets, parce qu’elles ne pouvaient se procurer la couverture exigée par la loi. C’est un des paradoxes les plus étranges dont l’histoire financière nous conserve le souvenir, que celui d’une situation où un gouvernement emprunte, alors que ses caisses sont pleines, pour fournir de la monnaie à ses nationaux.

Dès le début de l’année 1908, les symptômes de détente se multiplièrent. Le 2 janvier, la Banque d’Angleterre abaissa son escompte de 7 à 6 pour 100, les exportations d’or d’Europe en Amérique cessèrent, la prime sur le numéraire disparut à New-York. Le secrétaire du Trésor à Washington annonça qu’il réduisait du dixième les dépôts faits par lui aux banques sur les divers points du territoire : chez les seuls établissemens de New-York, ces dépôts atteignaient des centaines de millions de francs. Les besoins de capitaux avaient diminué dans une proportion considérable : le ralentissement de l’activité industrielle suffisait à expliquer ce changement. La production du fer aux Etats-Unis, pendant le mois de décembre 1907, n’avait pas dépassé 1 235 000 tonnes, alors qu’elle avait été de 1 828 000 en novembre et de 2 337 000 en octobre. Dès la seconde semaine de janvier, le taux moyen des avances sur titres à la Bourse tombait à 6 pour 100 : les derniers arrivages d’or européen portaient à plus de 500 millions de francs le total du métal jaune importé depuis le début de l’automne.