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Vers le milieu de septembre, l’escompte du papier commercial à six mois était à 7 1/2 pour 100. La ville de New-York, obligée d’emprunter, abandonnait le type 4 pour 100 auquel elle avait jusque-là réussi à placer ses obligations, et émettait un emprunt 4 1/2 pour 100, et encore ne réussissait-elle à le placer qu’avec le concours du célèbre financier Pierpont Morgan : à cette occasion, le premier journal financier de New-York ne craignit pas de dire que ce banquier avait sauvé le crédit de la ville[1]. Le fait que la première ville des Etats-Unis, l’Empire City, comme les Américains se plaisent à l’appeler, éprouvait de pareilles difficultés à placer sa signature, indique quelle était déjà la grandeur du péril.

C’est pendant la dernière décade d’octobre que le resserrement monétaire se fit le plus durement sentir. Le taux des emprunts sur titres s’éleva alors, dans certains cas, jusqu’à 125 pour 100 l’an, en dépit des efforts de deux syndicats, au capital d’ensemble 35 millions de dollars, soit 180 millions de francs, que les principaux banquiers de New-York avaient formés pour venir en aide au marché et lui avancer des fonds. L’histoire de ces journées, demeurées fameuses dans les annales du marché américain, enregistre une succession de faillites, de suspensions de paiement, de changemens dans le personnel dirigeant de plusieurs établissemens, qui s’accumulèrent en quelques jours et témoignèrent de la gravité de la situation. Après que la Mercantile National bank[2] eut été réorganisée, la Knickerbocker trust Company[3], une des plus anciennes institutions de New-York, suspendit ses paiemens le mardi 22 octobre. Il en fut de même d’une maison considérable du Stock Exchange (bourse des valeurs). C’était le moment que le président Roosevelt choisissait pour déclarer, dans un discours

  1. The Financial Chronicle, 21 septembre 1907.
  2. L’émission des billets est confiée en Amérique aux banques dites nationales, c’est-à-dire organisées conformément à la législation fédérale. Elles sont au nombre de plusieurs milliers et ajoutent l’épithète « nationale » à leur titre. Le Trésor fédéral, de son côté, émet, depuis la guerre de Sécession, des billets connus sous le nom de greenbacks et des certificats d’or et d’argent, qui représentent des dépôts d’espèces métalliques effectués aux guichets des caisses publiques.
  3. Les Trust companies, qui n’ont rien à voir avec les grandes combinaisons industrielles, telles que la corporation de l’acier, qu’on désigne en général de ce nom, sont des banques, qui reçoivent en dépôt des fonds et sont chargées de la gestion de fortunes particulières.