Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 7.djvu/158

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

reconnaître l’approche des temps d’épreuve, et les mesures de précaution auxquelles financiers et industriels peuvent_recourir pour se mettre à l’abri de l’orage.


I. — LA CRISE DE 1907 AUX ÉTATS-UNIS

L’année 1907 s’ouvrait sous de brillans auspices pour le marché de New-York. Les actions de chemins de fer qui jouent là-bas un rôle prépondérant, en rapport avec celui que les lignes ferrées elles-mêmes ont eu dans le développement du pays, étaient arrivées à des cours très élevés ; pour certaines d’entre elles, ces cours dépassaient tous ceux qui avaient été enregistrés depuis l’origine. Ils s’expliquaient, dans la plupart des cas, par l’accroissement rapide des dividendes : c’est ainsi que l’Union Pacific, le grand réseau de l’Ouest, avait, pour la première fois, distribué 10 pour 100 du capital nominal à ses actionnaires, le Southern Pacific 6 pour 100. Les recettes étaient en progrès considérable et paraissaient justifier les plus belles espérances. La United States Steel corporation (corporation de l’acier) reprenait le paiement d’un dividende à ses actions ordinaires. Le président Roosevelt, nommé par les électeurs républicains[1], n’avait pas encore, commencé sa campagne contre les chefs d’entreprise, dont les intérêts jusque-là n’avaient pas semblé en contradiction avec ceux de son parti.

Néanmoins, certains symptômes pouvaient inquiéter les observateurs de sang-froid. Les besoins de capitaux des compagnies de chemins de fer étaient énormes. Des spécialistes, particulièrement experts en la matière, les évaluaient à 5 milliards de francs. Dès la première semaine de juillet, les demandes d’argent à la Course de New-York étaient pressantes, et les prêts sur titres s’y négocièrent en moyenne à 8 pour 100 l’an : dans plusieurs cas, le taux s’éleva déjà à 16 pour 100. L’escompte à la Banque d’Angleterre était à 4 p. 100, à la Banque d’Allemagne à 5 pour 100, niveaux exceptionnels pour

  1. On sait que les États-Unis sont divisés en deux grands partis politiques, dits républicains et démocrates, ce qui ne veut nullement dire que les démocrates combattent la forme républicaine. Ces appellations ont une origine historique qui remonte à la guerre de Sécession. Les gens du Sud formèrent alors le parti des démocrates, qui, aujourd’hui, a pour article principal de son programme l’abaissement des taxes douanières, au maintien desquelles les républicains sont favorables.