chapelle de la Victoire. Et sur quel emplacement la bâtir sinon sur celui de la maison du banquier Norsa, là même où avait été commis le sacrilège ? Cette idée parut à Gonzague très ingénieuse. Elle satisfaisait, en lui, de multiples aspirations. Du même coup, il payait sa dette à la Vierge sans bourse délier, il faisait plaisir à son vieux peintre, et il ornait sa capitale d’un monument à la gloire de l’Italie et de l’Eglise et à la confusion des Français et des Juifs.
Mantegna, bien qu’il ne fût plus jeune, se mit avec ardeur à l’ouvrage. Bernardo Ghisolfo l’architecte, aussi, de telle sorte qu’avant qu’une année fût écoulée, tout était prêt pour commémorer la victoire. Le 6 juillet 1496, jour anniversaire de la bataille du Taro, ou vit se dérouler, dans Mantoue, une procession esthétique et pieuse à la fois, rappelant l’ovation que Florence avait faite jadis à la Madone de Cimabue. Dans la rue où habitait Mantegna, en face du palais San Sebastiano, on avait construit une estrade où l’on avait exposé aux regards et à l’admiration ; de la foule notre tableau du Louvre fraîchement peint, alors dans tout l’éclat de ses vives couleurs. Tout autour, juchés sur ce tréteau, des enfans costumés à la manière des anges, avec des ailes au dos, ou comme des apôtres, chantaient des cantiques. Puis quand tous les notables et le clergé furent rassemblés, on mit le chef-d’œuvre sur un chariot et l’on partit pour la nouvelle église. Il y a loin du palais San Sebastiano où était la maison de Mantegna, c’est-à-dire à l’extrémité Sud de la ville, jusqu’à la via San Simone (aujourd’hui via Domenico Fernelli) où l’on venait d’édifier la chapelle de la Victoire, tout au Nord de Mantoue. C’était toute la ville à traverser. Nul ne manquait à la fête que le héros, le marquis Gonzague, alors occupé à guerroyer de nouveau dans le royaume de Naples. Mais la marquise ne manqua pas de lui en rendre compte.
« La figure de Notre-Dame, lui écrit-elle, qu’Andréa Mantegna a peinte, a été transportée de sa maison, en procession, vendredi dernier, qui était le 6 de ce mois, à la nouvelle chapelle de Santa Maria della Vittoria, en commémoration de la bataille de l’an passé et de vos actions d’éclat, et au milieu de plus grande foule que je n’en ai jamais vue à aucune procession dans cette ville. Mon confesseur, Fra Pietro, a fait un beau discours à la grand’messe et a prononcé des paroles appropriées à la circonstance, implorant la glorieuse Vierge Marie pour