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devant lui, reçut les coups, fut emporté par sa monture au milieu des Italiens, revint, tournoya, fixa autour de lui un essaim d’ennemis, succomba enfin, fut pris et emmené au camp des Italiens et, par cette diversion, sauva son maître.

En même temps, la maison du Roi, placée à sa gauche prenait la cavalerie mantouane en écharpe, y pénétrait comme un coin, la fendait, la faisait éclater en morceaux, la rejetait sur le Taro. Gonzague, heurté ainsi sur son flanc droit, refoulé dans le désordre de ses propres troupes, faisait des efforts surhumains pour maintenir sa ligne de bataille. Trois fois, son cheval s’abattit sous’, lui : trois fois remonté sur une nouvelle bote, grâce au dévouement de ses écuyers, il chargea. « Depuis Hector de Troie, dit un témoin écrivant à Isabelle d’Este, personne n’a fait plus qu’il n’a fait ; je crois qu’il a tué dix hommes de sa main et je pense que vous avez dû dire quelque prière pour qu’il s’en soit tiré vivant.  » Partout on voyait sa bannière blanche, carrée, voltiger au-dessus de la houle des plumaches et sous la haute futaie des lances. Cela dura un quart d’heure. Mais insensiblement, ses compagnies dégarnies, ses gentilshommes démontés, le meilleur de son avant-garde tombant morceau par morceau, il dut songer à se replier sur ses réserves et à faire avancer de nouvelles troupes. Il regarda autour de lui. Où étaient ses stradiots ? Ses stradiots avaient, dès le premier choc, débordé la droite des Français le long de la colline et, de la sorte, ils rendaient la victoire certaine, lorsque, pour leur plus grande joie et pour le malheur des Confédérés, ils avaient aperçu les six mille sommiers portant les Trésors du Roi. Ils avaient tué quelque quatre-vingts ou cent conducteurs ou valets qui leur résistaient, consciencieusement pillé le bagage, puis s’en retournaient par des sentiers détournas, estimant la bataille finie, puisque le butin était à eux… Où étaient les quatre mille fantassins qui suivaient ? Ils étaient encore de l’autre côté du torrent, soit parce qu’ils n’avaient pas pu le franchir, car il grossissait de minute en minute, soit qu’ils n’en eussent pas grande envie… Que faisait Montefeltro avec sa réserve ? Montefeltro piétinait sur la grève, de l’autre côté du Taro, attendant Tordre que devait lui envoyer Rodolfo Gonzague et que Rodolfo Gonzague ne lui envoyait point pour cette raison qu’il était mort, tombé un des premiers en chargeant les Français… Ainsi, bien que la plupart de ses troupes lussent encore intactes,