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conciliation des contraires. Déjà les conceptions extrêmes sont bien moins éloignées l’une de l’autre qu’il y a soixante ou quatre-vingts ans. Les uns rêvaient alors d’absolue centralisation, de gouvernement des colonies sujettes par une métropole souveraine absolue ; les autres considéraient la désagrégation de l’Empire, l’indépendance des colonies comme inévitable, voire comme souhaitable. Aujourd’hui, l’on n’en est plus qu’à la fédération d’un côté, à l’autonomie de l’autre. Encore se montre-t-on de moins en moins absolu. Un doctrinaire pacifiste, un citoyen du monde aussi convaincu que M. W. T. Stead, résumant l’œuvre de la conférence impériale, admet parmi les principes sur lesquels doit être fondé l’Empire : l’existence d’une Cour suprême commune ; le droit pour chaque Dominion de conclure des traités de commerce distincts, étant entendu que toutes les parties de l’Empire jouiront au moins, chez les autres, du traitement de la nation la plus favorisée ; le droit de lever et d’équiper ses propres forces navales et de s’abstenir de toute participation active dans les guerres où la Grande-Bretagne est engagée, étant entendu que, par intérêt et par sentiment, mais non en vertu d’une obligation, les Dominions viendraient probablement à taule de la mère patrie en cas de besoin ; l’obligation pour le gouvernement impérial de consulter les Dominions, toutes les fois qu’il est question de modifier le droit international, ou qu’il s’agit d’une affaire affectant leurs intérêts ; une entente générale en vue d’une coopération mutuelle sur toutes les questions relatives aux communications inter-impériales, navigation, câbles télégraphiques, postes et toutes autres questions où une action commune peut servir au bien commun. Ce n’est plus l’absolue autonomie locale. C’est la reconnaissance de nombreux intérêts communs, qu’il est bon de traiter ensemble, et de l’interdépendance des diverses portions de l’Empire. Dans le camp opposé, l’impérialiste Times reconnaît lui-même que le plan de fédération de sir Joseph Ward est excessif, oppressif même, eu dehors de la politique pratique. Les extrêmes se rapprocheront certainement encore, les oscillations du pendule deviendront de moins en moins étendues jusqu’à ce qu’il s’arrête en un point médian.

Mais d’ici là, sous l’influence de forces centrifuges qui ont encore le champ trop libre, l’Empire n’est-il pas à la merci d’un incident, ne se désagrégera-t-il pas ? Certes, on ne peut