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dernières élections. Les conservateurs paraissent trop engagés sur le terrain impérialiste pour qu’il en soit ainsi ; mais il est peu probable qu’en augmentant les détaxes, ils courent le risque de mécontenter leurs soutiens de la dernière campagne, les puissans intérêts financiers et industriels qui ne redoutent guère moins la concurrence anglaise que l’américaine. Quant aux armemens navals, ils devront se montrer économes à les étendre, sous peine de susciter de vifs mécontentemens.

Il faudra bien aussi ménager les sentimens de l’Ouest, d’autant qu’au Redistribution Bill, à la nouvelle et imminente répartition des sièges, qui va suivre le recensement, les provinces libérales d’Alberta et de Saskatchewan gagneront de nombreuses voix, tandis que les provinces conservatrices, Ontario et les provinces maritimes en perdront. Peut-être sera-t-on obligé d’en revenir sous une forme atténuée à des concessions douanières aux Américains.

La victoire impérialiste au Canada n’est donc ni si complète, ni si solide qu’il semble au premier abord. Elle existe pourtant. Le traité de réciprocité entre le Canada et les États-Unis n’est plus ; l’union commerciale de l’Empire redevient donc possible. La plus grande colonie britannique ne s’enferme plus dans un particularisme hautain. La séduisante figure de sir Wilfrid Laurier disparaît des conférences impériales de l’avenir. Nul n’aura certainement son prestige, ni probablement son talent pour s’opposer à tout essai de concentration et défendre la plus rigoureuse autonomie locale. Un peu abattus par leurs défaites dans la métropole, les impérialistes reprennent confiance à leurs succès aux colonies. Ils vont avoir le verbe plus haut, le champ plus libre, la propagande plus ardente.


VII

Entre les deux conceptions qu’on se forme au sujet de son avenir : l’une, celle de la libre coopération des diverses parties composantes, selon laquelle leur consentement unanime est nécessaire à toute action commune, l’autre celle de la fédération, où la minorité doit subir les volontés de la majorité, que deviendra l’Empire britannique ? Il serait malaisé de le dire. Les deux systèmes semblent irréductibles, mais le monde anglo-saxon est la terre classique des compromis, voire de la