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sont habitués à trouver à meilleur compte tout près. D’où la « révolte de l’Ouest, » toute pacifique encore, les cris de guerre contre la nouvelle féodalité, et une agitation qui a paru suffisamment grave à sir Wilfrid Laurier pour que, pendant l’été de 1910, il se décidât à faire un long voyage à travers l’Ouest canadien. À chaque station, les ligues agricoles vinrent l’entretenir de leurs revendications. Parmi leurs protestations énergiques, passionnées même, l’oreille fine du premier ministre put distinguer, par momens, comme un murmure, encore faible, mais menaçant, de séparatisme. Ce fut assez pour qu’ayant gardé peut-être au fond du cœur quelque penchant vers le libéralisme économique, leur idéal de jadis, sir Wilfrid et son parti se décidassent à négocier le traité de réciprocité commerciale, signé enfin à Washington le 21 janvier 1911.

Par ce traité, les tôles, les fils de fer et d’acier importés des États-Unis vont être admis en franchise au Canada, les machines agricoles, les cimens américains bénéficient de réductions de droits considérables. En revanche, les céréales, les bestiaux canadiens seront exempts de droits aux États-Unis, les bois, les minerais, etc., ne seront soumis qu’à des tarifs réduits. L’Ouest canadien paraît content ; il semble que les « Provinces maritimes, » le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Ecosse devraient l’être également, car le traité contient des articles favorables à leurs pêcheries. C’est au tour des régions manufacturières de protester ; les chemins de fer sont médiocrement satisfaits aussi, quoique les transports de l’Ouest soient si considérables qu’ils ne puissent guère souffrir de ce qui l’aide à se développer. Les grandes industries de l’Est et les puissans intérêts financiers groupés autour d’elles entament une vive campagne de protestation. Malgré la forte majorité dont il dispose au Parlement, — 131 voix contre 90, — le premier ministre n’ose faire ratifier le traité sans nouvelles élections. Il se croit cependant sûr de l’emporter et n’attend même pas que la nouvelle répartition des sièges, à la suite du recensement de 1911, vienne augmenter le nombre des députés de l’Ouest, qui lui apporteront des voix fidèles. À peine rentré 4e la conférence impériale et du couronnement, il dissout la Chambre et convoque les électeurs pour le 21 septembre. Le résultat est désastreux pour lui : sur 221 députés, sont élus 130 conservateurs, 80 libéraux, 10 nationalistes, 1 socialiste. Les libéraux perdent 50 sièges, plus du