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de Dante n’est pas seulement une gloire italienne, c’est une gloire à laquelle tous les peuples paient leur tribut. Il n’est pas de poème qui ait été plus fréquemment commenté, expliqué et traduit que la Divine Comédie. Et si, dans les premières années du XIVe siècle, l’hospitalité a pu être étroitement mesurée à l’obscur et pauvre proscrit qui venait à Paris assister aux cours de l’Université, les hommages ne lui ont pas été ménagés depuis, et c’est encore à lui que fait songer ce passage du Paradis : « Si le monde qui lui accorde tant de louanges savait quel cœur il eut en mendiant sa vie morceau par morceau, il le louerait bien davantage. » Le monde l’a su, et le verbe de son génie appelle chaque jour de nouveaux admirateurs. Après l’Iliade, c’était bien la Divine Comédie[1]qui devait venir dans cette collection des Grandes Œuvres où les Pages Célèbres choisies, traduites et présentées par des écrivains compétens, illustrées par des artistes de talent, sont comme un appel à une lecture plus approfondie.

De l’œuvre épique la plus grandiose et la plus complète du moyen âge, on peut rapprocher celle de Shakspeare, le grand tragique qui remplit ses drames de ses spectres, de ses ambitieux, de ses femmes-infortunées, joignant « par des fictions analogues les réalités du passé aux réalités de l’avenir, » selon le mot de Chateaubriand. A deux siècles et demi de distance, Shakspeare a ceci de commun avec Dante, l’Italien le plus Italien qui ait jamais existé, — pour qui les vicissitudes de la gloire coïncident avec les vicissitudes de l’Italie elle-même, — que leur poésie est représentative du temps où ils ont vécu : elle touche ou traduit tous les sentimens qui se sont manifestés à des époques tourmentées.

Comme la Divine Comédie, qui eut une influence si profonde sur les esprits, sur la poésie, sur les arts, Hamlet[2]est la plus philosophique des tragédies de Shakspeare. « Il nous fait lui aussi saisir l’esprit de l’époque et ce qui fut l’âme de sa génération, » a pu dire justement Emile Montégut ; c’est l’image même de la vie, l’action en a tour à tour la lenteur majestueuse et la précipitation convulsive. De ce drame immortel une nouvelle traduction élégante, sobre et précise par M. Georges Duval, nous est donnée chez l’éditeur Flammarion, illustrée par M. W. G. Simmonds. Chez le même éditeur, et par le même traducteur, David Copperfield[3], avec les illustrations de Frank Reynolds. On retrouve dans ces aquarelles si variées de composition et de couleur, mais toujours d’une observation exacte, l’originalité du peintre qui a su si bien rendre l’impression des milieux et des types

  1. H. Laurens.
  2. Flammarion.
  3. Flammarion.